Pâturage : la diversité et le stade des végétaux jouent sur les caractéristiques des fromages
Par la diversité et le stade des plantes qu’il rend accessible aux vaches, l’organisation du pâturage, continu ou tournant, a un impact sur les caractéristiques des fromages.
Les fourrages ingérés jouent un rôle important sur les qualités nutritionnelles et sensorielles des fromages. Les effets des modes de conservation (ensilage, foin, enrubannage, …) sont bien connus. Comme celui des compositions floristiques. Mais, sur une même zone, est-ce qu’un pâturage géré en continu ou tournant aura des conséquences sur les caractéristiques organoleptiques des fromages ? Il semble que oui même si les effets du système de pâturage ont moins d’impacts sur les caractéristiques des fromages que la durée d’affinage et le type d’alimentation.
Pour y voir plus clair, des chercheurs de l’INRAE et de l’Université de Turin ont comparé des fromages de type Cantal, produits sur la ferme de l’unité expérimentale INRAE des Monts d’Auvergne. Sur 2 saisons de pâturage, ils ont réalisé des analyses chimiques et sensorielles sur des fromages réalisés à trois périodes : printemps, été, fin été. La moitié de ces fromages a été produit par des vaches conduites en pâturage continu, sur une pâture très diversifiée (75 espèces à majorité de trèfle blanc, fétuque rouge et agrostide), avec un taux de chargement faible (0,96 UGB/ha). Les autres ont été fabriqués avec du lait de vaches alimentées en pâturage tournant, sur une prairie temporaire (33 espèces à majorité de dactyle et de trèfle blanc), avec un chargement plus élevé (1,56 UGB/ha). Un lot témoin a été conduit en intérieur, avec une ration à base de foin.
Ces essais ont montré que le système de pâturage influence très légèrement l’aspect des fromages et mais a peu d’effet sur leur texture. La teneur en matière grasse sur la matière sèche est un peu plus élevée sur les fromages issus du pâturage continu mais ils contiennent moins de phosphore et de calcium que ceux issus du pâturage tournant.
Les chercheurs ont noté une différence significative sur l’aspect de la croûte, plus précisément sur la couleur des reliefs, qui sont plus sombres sur les fromages issus de pâturage tournant. Ils émettent l’hypothèse que ce soit lié à la teneur en acides gras. Un teneur élevé en acides gras retarderait le développement des moisissures Sporendonema casei à l’origine de ces reliefs sur les fromages issus du pâturage continu.
Évolution au cours des saisons
En général, les fromages produits avec du lait de vaches pâturant ont une pâte plus jaune car l’herbe fraiche est le fourrage contenant le plus de caroténoïdes. La teneur en caroténoïdes diminue avec le développement végétatif, ce qui explique la diminution de l’intensité de la couleur jaune au cours de la saison pour les fromages du lot pâturage continu. La couleur est plus stable pour le lot en pâturage tournant car les animaux ont toujours accès à des végétaux à stade optimal. Au printemps, la qualité de l’herbe donne un lait riche en acides gras, qui produit des fromages jaunes et fondants. En été, avec la diminution de la qualité de l’herbe, le lait est moins riche en acides gras, ce qui joue sur la qualité des fromages.
Dans cet essai, les effets des différences botaniques sont moins marqués que ce que synthétise la bibliographie. Cela pourrait s’expliquer par l’absence de cuisson pour ces fromages de type Cantal. Sans cuisson, il y a un moindre effet de l’enzyme plasmine, qui joue un rôle important dans le développement de la flaveur. De plus, même si la flore est plus diversifiée en pâturage continu, il y a une forte proportion de graminées dans les deux types de pâturage : 33 espèces dont 21 graminées dans pâturage tournant, 75 espèces dont 54 graminées en pâturage continu.
Plus d’impact de la durée d’affinage
Plus que l’organisation du pâturage, il semble que c’est la durée d’affinage qui modifie le plus les caractéristiques des formages. Ceux issus du pâturage continu ont une flaveur légèrement plus intense quand ils sont affinés plus de 6 mois. Les fromages du lot en pâturage tournant ont des caractéristiques intermédiaires entre ceux issus du lot en pâturage continu, qui ont une odeur et un arôme plus intenses, et ceux du lot témoin, avec une ration à base de foin.
Référence : Coppa M., Ferlay A., Monsallier F., Verdier-Metz I., Pradel P., Didienne R., Montel M.C., Pomiès D., Martin B., Farruggia A. (2012) : “Le système de pâturage influence-t-il les caractéristiques nutritionnelles et sensorielles des fromages ?”, Fourrages, 209, 33-41