Le lait bio, c'est l'herbe
La coopérative Prospérité Fermière a été créée en 1949 à Arras et regroupe aujourd’hui 1600 adhérents – producteurs de lait répartis sur 1000 exploitations dans la région Hauts de France. Collectrice de lait conventionnel et bio, Prospérité Fermière a lancé en 2017 « Le lait à l’herbe et sans OGM » dans le cadre de sa démarche RSE « Via Lacta ».
Via Lacta est née de la volonté de la coopérative de baser sa stratégie sur deux piliers : l’innovation et la Responsabilité Sociale des Entreprise RSE. Cette dernière, appellée Via Lacta, a été engagée en 2015 pour réduire les impacts environnementaux liés à la production laitière.
Elle vise entre autre à éliminer tout soja OGM – donc importé – et au maintien et au développement des prairies dans les exploitations laitières. Un projet qui permet à la coopérative d’apporter sa pierre à l’édifice de la COP 21 dont les engagements visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre : avec Via Lacta, la coopérative diminue les importations et contribue au stockage du carbone puisque chaque hectare de prairie stocke 70 T de carbone.
De cette démarche RSE est né le « Lait à l’herbe et sans OGM », un lait produit suivant un cahier des charges co-construit avec les éleveurs et le WWF France. Il garantit une absence d’OGM dans l’alimentation et oblige à une surface minimale de pâturage de 15 ares par vaches pendant 170 jours par an et un élevage sur paille en hiver. Il sécurise également le revenu des éleveurs en garantissant un prix du lait de 300 €/1000 L et une prime de 15 €/1000 L. La collecte a officiellement débuté en octobre 2017 après 6 mois de conversion chez les éleveurs engagés. Parallèlement, des recherches sur des alternatives protéiques, comme la féverole toastée, sont menées pour réduire de 90 % l’utilisation de soja non OGM d’ici à 2020.
« Pour un éleveur, rentrer dans le cahier des charges du « Lait à l’herbe et sans OGM », c’est rentrer dans une démarche de valorisation de sa production par une certification. C’est déjà un pas pour un éleveur. Le cahier des charges en agriculture biologique est plus contraignant bien sûr, mais on espère que certains éleveurs feront le second pas et passeront au bio. » explique Samuel Bar, le Président de la coopérative.
Effectivement, « Le lait à l’herbe » nécessite que l’éleveur se réapproprie complètement ses prairies et les valorise notamment par le pâturage, ce qui implique des prairies faciles d’accès et un parcellaire bien organisé.
La coopérative laitière souhaite que ses éleveurs aillent davantage vers le bio, car « la demande est en plein essor, les marchés sont plutôt prometteurs avec des prix du bio très stables et de vraies marges de progression si l’on compare au lait conventionnel ». Les conseillers laitiers ont d’ailleurs été formés à identifier les exploitations susceptibles de se convertir. « Il leur suffit de quelques heures avec l’éleveur pour établir un diagnostic qui mette en avant les points forts et les points faibles pour répondre au cahier des charges de l’agriculture biologique. L’éleveur voit alors assez rapidement si la marche est grande ou pas » explique Samuel Bar.
« Le frein à la conversion le plus important pour les exploitations du Nord-Pas-de-Calais est qu’elles sont en majorité dans les villages, ce qui laisse peu d’accès pour le pâturage bien qu’il y ait beaucoup d’herbe, ajoute-t-il. Or un des prérequis pour le passage en bio est quand même la capacité à avoir des parcelles accessibles par ses vaches. »
Mais les mentalités commencent à changer. Dans les écoles déjà où sont apparues des formations sur la filière biologique qui est désormais « une filière comme une autre qui en plus amène des solutions au conventionnel, comme le désherbage mécanique ou des associations de culture, estime Samuel Bar. C’est un modèle qu’il faut vraiment réussir à s’approprier ».
La vulgarisation est devenue plus facile et apporte de la dynamique sur le terrain. « Les éleveurs qui s’intéressent au bio peuvent assez facilement rencontrer autour d’eux des éleveurs qui ont franchi le pas et dont les exploitations tournent très bien. Ils voient également des collecteurs bio tourner régulièrement près de chez eux. Ça commence à lever des freins » se réjouit M. Bar.
« Le lait bio, c’est l’herbe. Et l’herbe est un atout, un moyen pour ramener de la résilience dans les exploitations et augmenter la productivité. Nous devons donc collectivement monter en compétences pour exploiter aux mieux nos prairies. Un travail de longue haleine nous attend, car le bio nécessite de réorganiser le travail, l’exploitation, l’assolement, … Il n’y aura pas de solution miracle mais une succession de petites choses, de compétences et de vécu. Nous nous devons d’y arriver, car l’herbe permet de répondre aux enjeux climatiques et phytosanitaires, ainsi qu’aux enjeux sociétaux et territoriaux » conclut Samuel Bar.