Foin de luzerne : une complémentarité entre plaine et montagne dans le Massif-Central

Entre agriculteurs de la plaine de la Limagne et éleveurs laitiers de l’AOP Saint-Nectaire, un partenariat s’est noué en 2020, après une réflexion de trois ans, pour créer une filière de foin de luzerne.

« Le projet a démarré en 2017 à la suite d’échanges entre la coopérative Limagrain et l’interprofession AOP Saint Nectaire, déclare Louise Mion, chargée de mission en élevage à l’interprofession. Les éleveurs de l’AOP avaient besoin de sécuriser leur affouragement en quantité et en qualité, notamment du fait des sécheresses et de la pullulation des campagnols terrestres. Or le cahier des charges de l’AOP autorise un approvisionnement en alimentation pour les vaches en dehors de la zone AOP de 30% de la ration totale annuelle. Notre idée était aussi de chercher un approvisionnement local, en accord avec les valeurs de l’AOP, d’où l’idée d’une complémentarité avec des agriculteurs de la plaine de la Limagne. » Le pôle fromager AOP Massif Central et Végépolys Vallée entrent à leur tour dans la danse de ce projet, qui se décline en deux actions : une étude de la faisabilité du projet en AOP Saint-Nectaire et une éventuelle transférabilité du projet aux autres AOP fromagères du Massif Central. Les agriculteurs de la plaine, adhérents de Limagrain, avaient eux aussi tout intérêt à mettre en place cette luzerne. Tête de rotation intéressante sur le plan agronomique, réduction possible de l’emploi de produits phytosanitaires, restructuration des sols, fourniture d’azote pour les cultures suivantes, développement de la biodiversité et surtout nouvelle valorisation dans un cadre contractuel étaient des arguments de poids pour développer cette culture.

À la recherche d’un contrat gagnant-gagnant

« Il a été question de mettre en place un séchage en grange, mais son coût, entre 950 000€ et 1,3M€, ainsi que la gestion, forcément collective, d’un tel outil demandait réflexion avant de se lancer. Aussi a-t-il été préféré, pour débuter le projet, d’effectuer un séchage au sol plus classique », explique Louise Mion. Et effectivement, les chiffres parlent d’eux-mêmes, sans même évoquer les coûts de transport : le coût de production d’une tonne de foin de luzerne séchée en grange revient entre 210€ et 255€ la tonne de matière sèche, selon les options choisies et subventions obtenues, contre 140€/T lorsqu’il est séché au sol. Pour autant, ce choix entraînait de ne pouvoir valoriser que deux à trois coupes sur quatre. La première et la dernière coupe de luzerne, effectuées dans des conditions trop humides, obligent à enrubanner le fourrage impliquant d’en gérer les débouchés par le producteur. La luzerne enrubannée n’est effectivement pas valorisable dans la filière AOP Saint-Nectaire. « Nous travaillons actuellement pour valoriser cet enrubannage auprès d’autres partenaires, affirme Carine Pothier, responsable marketing et nouvelle filière chez Limagrain. Effectivement, en cumulant un débouché pour l’enrubannage et un pour le foin, la contractualisation devient très intéressante pour le producteur de luzerne. Pour autant, certains la valorisaient déjà pour eux ou auprès d’autres éleveurs. Cela n’a donc pas été un vrai frein à la mise en place de la filière ».

Un contrat sur trois ans à 16% de MAT minimum

En 2020, première année de production, une dizaine d’agriculteurs pour 70 à 80 ha de luzerne a répondu présents auprès de Limagrain. En 2021, les chiffres doublent en surface et en nombre d’adhérents pour des contrats de trois ans avec l’Association pour l’expansion du fromages Saint-Nectaire (AESN), soit le groupement d’achats des producteurs de l’AOP Saint-Nectaire. « Les producteurs s’organisent avec leur Cuma ou font appel à des entrepreneurs. Il n’y avait pas particulièrement besoin d’investissement spécifique, d’où l’idée aussi de ne pas aller vers un investissement dans un bâtiment de séchage en grange pour débuter », continue Carine Pothier. Limagrain assure le suivi technique des producteurs de luzerne et s’engage à apporter aux éleveurs de l’AOP un foin de luzerne à minimum 85% de matière sèche (MS) et 16% de matière azotée totale (MAT) minimum. Une prime à la qualité rémunère les points supplémentaires de MAT. La qualité de chaque coupe est testée par un échantillonnage des bottes de foin grâce à une carotteuse conçue par Limagrain pour prélever les échantillons au cœur de la botte. L’objectif est d’atteindre entre 800 et 1 000 tonnes de foin vendues en 2021. L’AESN récupère les stocks au 31 mars au plus tard et s’organise pour les stocker à son tour, tout en sachant que la consommation de luzerne est fortement dépendante de la pousse de l’herbe.

Des coûts de séchage non négligeables
récolte luzerne Un échange entre plaine et montagne pour créer une filière contractualisée de foin de luzerne

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