Pour une autonomie fourragère, choisir comme moteur le trèfle blanc
Parmi les préoccupations des éleveurs en matière de solutions fourragères, le souhait de l’autonomie est certainement celui qui domine. Mais globalement, il faut intégrer à l’autonomie l’aspect économique, la productivité, la santé et le bien-être animal, l’ensemble aboutissant à la performance technico-économique.
Tout d’abord, il paraît opportun de définir l’autonomie alimentaire et de cerner ses limites. On peut résumer la définition de l’autonomie alimentaire par le fait de ne plus être contraint d’avoir recours à des achats à l’extérieur d’aliments grossiers, d’aliments concentrés en énergie et/ou protéines. Il y aura bien sûr des limites. Malgré tout, il est possible de les repousser en utilisant un bon moteur ou un bon carburant : le trèfle blanc.
Autonomie : connaître le contexte de l’exploitation
Le premier point de vigilance concerne le nombre d’animaux par rapport à la surface. S’il est trop élevé par rapport au potentiel pédoclimatique de production fourragère, l’autonomie ne pourra être atteinte. Ce potentiel est défini par le sol, le climat, le mode d’exploitation, la fertilité et le potentiel des plantes présentes dans la prairie.
Connaître les plantes composant la prairie
L’autonomie est également déterminée par la qualité des plantes présentes. Leurs valeurs énergétiques et protéiques ainsi que leurs valeurs d’encombrement sont à prendre en compte. D’une manière générale, pour toutes les productions fourragères, le potentiel de production de protéines est plafonné à une certaine quantité, alors que la quantité de biomasse et d’énergie peut continuer de croître. On a donc une dilution des protéines dans davantage de matière sèche et une baisse de valeur Matière Azotée par kilo. Il va donc falloir comparer les besoins des animaux en grammes de Protéines Digestibles dans l’Intestin (PDI) par kilo de matière sèche que l’animal est capable de consommer. Ces besoins vont être de l’ordre de 100 gr de PDI pour des génisses, des vaches allaitantes et vont monter jusqu’à 140 gr par kilo de matière sèche pour des vaches hautement productrices.
Connaître les exigences de son troupeau
Le potentiel d’ingestion des animaux dépend de plusieurs facteurs : la race, l’âge et le stade physiologique de l’animal et surtout de la qualité du fourrage. Il faut préciser qu’il y a une corrélation étroite et inversement proportionnelle entre les valeurs énergétiques, protéiques et l’encombrement du fourrage. Plus le fourrage est riche, moins il est encombrant et plus la vache va en manger une grande quantité. Et bien sûr, lorsque le fourrage est ligneux, vieilli, sa valeur d’encombrement augmente et la vache diminue la quantité consommée, au détriment des performances laitières, de croissance ou d’engraissement.
Un bon moteur pour aller plus loin : le trèfle blanc
La prairie constituée de plantes à bon potentiel, naturelles ou semées, exploitée à un rythme fréquent et à une hauteur raisonnée (entrée en prairie à 15 cm, sortie à 5cm), est la première ressource pour tendre vers l’autonomie fourragère. Et parmi ces plantes, il en est une absolument incontournable : le trèfle blanc ! Il est particulièrement intéressant de rappeler les caractéristiques et valeurs de cette plante à ses différents stades de développement : - 1er cycle végétatif : 1,08 UFl, 241 gr de MAD, 201 gr de PDIN, 167 gr de PDIE, 0,79 unités d’encombrement ; - 1er cycle de floraison : 1,00 UFl, 150 gr de MAD, 138 gr de PDIN, 131 gr de PDIE, 0,88 unités d’encombrement. Qui dit mieux ? De plus, la présence de 25 à 40 % de trèfle blanc dans le bol alimentaire augmente l’ingestion de 3 % (source Giovanni, INRAE).
Le trèfle blanc : les consignes d’entretien de ce moteur
Pour bien tirer parti du trèfle blanc, il convient de connaître son fonctionnement. Pour être performante, les exigences de cette espèce peuvent se résumer en 4 points : un sol avec un pH supérieur à 6,2 et bien pourvu en potasse, pas trop humide et pas trop séchant et enfin une fertilisation azotée limitée au printemps et avec aucun apport en été. Le trèfle blanc est une plante de jours longs. Il nécessite de la chaleur et le couvert végétal global de la prairie doit être inférieur à 15 cm. Le trèfle blanc se multiplie beaucoup par stolons. Son développement va se produire dès que la lumière parvient au ras du sol. Mais surtout, celui-ci fixe l’azote de l’air, d’abord pour lui, mais aussi pour les graminées voisines. Ces dernières en profitent notamment durant l’été mais également en fin d’été lors de la reprise de la végétation des prairies. Le trèfle blanc a un long cycle de végétation (plus de 40 jours). Cela signifie que pendant tout ce temps, la plante produit de nouvelles feuilles, sans que les anciennes n’entrent en sénescence. Il s’agit donc d’une plante idéale pour constituer des stocks d’herbe sur pied de qualité.
Une légumineuse bien adaptée au pâturage
Le trèfle blanc est une plante plutôt destinée à une exploitation au pâturage, mais qui doit bien sûr être associé à une ou plusieurs graminées. Pendant longtemps, le mariage « du siècle » était ray-grass anglais/trèfle blanc. Avec l’évolution climatique, il est important de préciser que le trèfle blanc accompagne parfaitement d’autres graminées pérennes comme le dactyle, la fétuque élevée. Lors d’un diagnostic de prairie, il sera particulièrement intéressant d’observer la présence du trèfle blanc. En effet, comme les vers de terre, le trèfle blanc est un bon indicateur du fonctionnement de la prairie. En prairie pâturée, son absence doit interpeller : problème d’excès d’eau, de pH, d’exploitation, azote mal géré ? En arpentant la parcelle, il est facile de constater que là où il y a du trèfle, il y a également les bonnes graminées.
Le trèfle blanc : ça se sursème !
Si le trèfle blanc est absent, il faut d’abord étudier la cause de son absence et il sera nécessaire d’y remédier. Pour gagner du temps et introduire une variété à son système d’exploitation, il est possible de sursemer 3 à 5 kg de semences à l’ha. Cette quantité est suffisante pour que cette plante acquière un statut de CDI dans la prairie ! Pour réussir l’implantation, il convient de semer dans des conditions favorables, c’est-à-dire de semer sur une végétation rase, à faible profondeur et d’assurer un bon contact terre/graines (rouler ou faire piétiner). Il sera préférable de réaliser ces semis en période de jours longs et avec des températures relativement élevées ; un peu d’humidité suffit. Qui peut trouver un meilleur retour sur investissement ?
Bien choisir sa variété : un site web www.herbe-book.org
Vingt-trois variétés sont disponibles. Les critères variétaux sont : le type botanique, l’agressivité, la date de floraison, la date du départ en végétation, la vigueur à la sortie de l’hiver, la productivité et la pérennité. Le choix variétal doit se faire dans l’objectif d’avoir 30 % de trèfle au printemps et 50 % en été. Au-delà de 50 %, il y a un risque de météorisation (sauf si le trèfle est bien fleuri). En-dessous de 30 %, l’impact technico économique du trèfle est peu ressenti. Plus le niveau de fertilisation azotée est haut, plus il faudra un trèfle « géant ». Sans fertilisation azotée (exemple en bio), il faudra un trèfle peu agressif pour éviter la surabondance. Le trèfle blanc, spontané ou semé, est de loin le premier outil dont il faut se servir pour tendre vers l’autonomie fourragère. Son impact sur le résultat technico économique est sans égal. Toutefois, si les conditions sont trop humides, le trèfle hybride peut lui être substitué et en conditions trop séchantes, c’est le lotier corniculé qui pourra suppléer.