Elles résistent mieux aux aléas du climat. Place aux jeunes (prairies) !
« Une bonne surprise ! » Devant la belle tenue de la parcelle de 2,5 ha semée fin août derrière un triticale, Michel Brigonnet ne cache pas sa satisfaction.
Mi-janvier, le mélange de graminées et de légumineuses est encore superbe. « Les conditions ont été excellentes : sol sec au semis, bonne pluie dans les 15 jours qui ont suivi... Résultat : la coupe effectuée en octobre pour nettoyer la parcelle a permis de récolter 800 kilos matière sèche par ha. » Pour une fois, l’impact des facéties du climat aura été positif ! La sécheresse de cette année a été particulièrement sévère. « Aucun secteur n'a été épargné, souligne Michel Brigonnet. Pourtant notre région n'est pas la plus sensible à ces phénomènes. » Située dans un rayon de 3 kilomètres autour de sa ferme, l'exploitation de Michel couvre 130 ha : 20 ha de triticale et maïs ensilage ; 40 ha de prairies permanentes et 70 ha de prairies temporaires. Le tout réparti sur une cinquantaine d'ilots. C'est d'ailleurs la volonté d'optimiser la gestion de son troupeau qui le conduit, en 2007, à rejoindre le groupe « herbe » animé par la chambre d'agriculture sur le secteur de Bourganeuf. « Avec 100 vaches, 6 taureaux, 25 génisses en renouvellement et 35 d'un an, je suis à la limite de chargement », analyse-t-il. Ses autres objectifs rejoignaient ceux du groupe : augmenter les stocks produits par la ferme, afin de limiter les risques liés aux conditions climatiques et gagner en autonomie en engrais et concentrés.
Choix des semis et gestion du troupeau : une même logique
Michel Brigonnet a adopté le système de pâturage tournant. « Un mode de gestion, parcelle par parcelle, qui permet d'optimiser les fauches et d’obtenir un couvert végétal plus dense et qui favorise les légumineuses et les graminées à bonne valeur pastorale. » La gestion du troupeau est directement liée au choix des semis de prairies : « je renouvelle de 9 à 10 ha chaque année, ce qui implique sur ces parcelles moins de pâturage au début. » Michel Brigonnet a toujours accordé la plus grande attention à la gestion de l'herbe. « Pour les semences, je ne regarde pas tellement le prix. Je fais davantage attention au rendement et à l'adaptation des variétés entre elles. » Ses choix ont évolué à mesure que les essais de mélanges étaient réalisés au sein du groupe. Il est passé de semis associant ray-grass anglais, dactyle et trèfle blanc à un mélange dactyle, fétuque élevée, ray-grass anglais et luzerne, à raison de 7 kg/ha pour chaque espèce, complétés de 3 kg de trèfle blanc et 1,5 kg de trèfle violet. La différence s'est avérée notable, avec un rendement en fauche de l’ordre de 10 tonnes de matière sèche.
Du simple au double...
« Il n'y a pas photo entre jeunes et vieilles prairies, poursuit-il. Pour une même quantité d'engrais, le rendement passe du simple au double pour les prairies temporaires et la souplesse pour choisir les stades de récolte permet d'obtenir un fourrage de meilleure qualité. Cette année, malgré la sécheresse, les premières coupes ont fourni 80 à 90 % du rendement moyen. L'enrubannage mi-juin était d'un tiers inférieur à la moyenne, mais de 50 % sur les foins. » L’absence de pluie a ensuite mis à égalité prairies permanentes et temporaires ! Tout était sec. « Mais, dès qu'il a plu, les prairies temporaires sont reparties très vite, avec une repousse plus précoce de 15 à 20 jours, soit tout de même l’équivalent d’une première coupe au printemps. » Pour Michel Brigonnet, l'année climatique 2011 a fait évoluer les mentalités, faisant comprendre à davantage d’éleveurs l’enjeu de leur conduite, et la nécessité d’une remise en cause des habitudes. Ce qu’il souhaite pour 2012 : « une année climatique normale pour pouvoir enfin chiffrer l'impact de ses nouvelles pratiques en économies d'azote et de concentrés. » Mais qu'est-ce qu'une année « normale » ?
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Classique "Brigonnet" |
Classique + luzerne |
Mélange-test |
RGA diploïde 1/2 tardif |
8 |
8 |
2 |
RGA tetraploïde 1/2 tardif |
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4 |
Dactyle |
15 |
15 |
6 |
Fétuque élevée |
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6 |
Trèfle Blanc |
3 |
2 |
3 |
Lotier |
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3 |
Trèfle Violet |
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1,5 |
Luzerne |
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4 |
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Résultats 2010 - rendements en t de MS/ha
Foin 16/07/2010 |
5,6 |
7,5 |
7,9 |
3 cycles pâturage |
1,9 |
1,9 |
1,9 |
TOTAL |
7,5 |
9,4 |
9,8 |
Résultats 2011 - rendements en t de MS/ha
1ère coupe BRE* 10/05 |
4,1 |
6,2 |
4,5 |
2ème coupe BRE* 03/07 |
1,1 |
1,5 |
1,5 |
TOTAL |
5,2 |
7,7 |
6 |
*BRE : Balle Ronde Enrubannée
« Sans la gestion raisonnée des pâturages, la situation aurait été vraiment catastrophique »
Bruno Simon anime le groupe de Bourganeuf. Douze éleveurs qui se retrouvent au moins quatre fois par an, toujours chez l’un d’eux. « Le premier rendez-vous permet de réfléchir à la répartition de la SAU et à l'attribution des différentes parcelles. Nous faisons ensuite trois bilans : au moment de la mise à l'herbe, juste avant la fin du premier cycle de pâturage et en post-fauche précoce. La Creuse a une capacité de production de fourrage correcte, permettant aux éleveurs d'être autonomes. Tout notre travail consiste à diminuer la fragilité des exploitations face aux aléas. Sans la gestion des pâturages et le travail des prairies, la situation aurait été vraiment catastrophique cette année.
Dès le retour de la pluie, mi-juillet, nous avons préconisé un apport d'azote de 30 à 40 unités, et 40 jours plus tard les rendements des prairies de fauche étaient excellents. Dans nos essais multiespèces, nous avons presque rattrapé le niveau de 2010, avec 10 à 11 tonnes de matière sèche à l'hectare. »
« Former et communiquer »
« En 2006, suite, déjà, à la sécheresse, le Conseil général du Limousin a décidé, plutôt que de saupoudrer des aides, d'engager, avec l'appui de fonds européens, le Programme Structurel Herbe et Fourrages en Limousin. L'animation est réalisée par la chambre d'agriculture, avec un animateur par département. » Une mission qui occupe la moitié du temps d’Hervé Feugère, réparti entre le suivi d'essais, les relations avec les instituts techniques et la prescription, le lien avec les animateurs de groupes et un important volet communication. Ce dernier englobe l’édition d'un Guide pâturages, les avertissements sur la pousse de l'herbe diffusés de mars à juin par mail à 300 éleveurs, avertissements également diffusés dans la presse locale et via une chronique sur France Bleue Creuse...
« Les protocoles sont conduits en lien avec les groupes d'éleveurs, autant pour la définition des objectifs que pour la mise en place des démonstrations et l'analyse. Nous développons trois axes principaux : les mélanges multi-espèces, notamment l'introduction de la luzerne, ce qui suppose des suivis de résultats sur trois à cinq ans, les cultures dérobées et l'influence du redressement calcique sur prairies. »