Gagner en autonomie fourragère pour réussir sa conversion bio
Eleveur laitier dans le Pas de Calais, Marc de Montigny est en train de convertir son exploitation à l’agriculture biologique. Pour réussir ce changement, il mise sur un gain d’autonomie fourragère.
À Belle-et-Houllefort (62), l’exploitation de Marc de Montigny va vivre un grand changement : fin décembre, terres et troupeau seront officiellement bio. Situées en fond de vallée, les terres de l’exploitation sont humides mais en bon limon. « Cela donne de bonnes prairies », apprécie l’agriculteur. Des prairies qui composaient la moitié de l’assolement. 27 Ha de surface labourable étaient consacrées au maïs et aux cultures de vente. Depuis avril 2017 et le début de sa conversion*, Marc de Montigny a modifié son assolement. « Sur les 27 Ha labourables, je n’ai gardé que 6 Ha en maïs pour la ration hivernale, avec un objectif de rendement de 12-13 T MS/ha. Le reste est passé en prairies temporaires », explique-t-il.
Ce passage en bio, Marc de Montigny y songeait depuis 2009, car il sentait bien qu’augmenter le volume de production n’était pas forcément synonyme de meilleure rentabilité, même si « à l’époque, avec les quotas, on raisonnait plutôt droit à produire qu’intérêt économique ». Une présentation de l’exploitation bio type, par le chargé de production de sa coopérative, la Prospérité Fermière, relance sa réflexion. « Cette exploitation ressemblait beaucoup à la mienne », explique l’agriculteur. Avec un conseiller de la chambre d’agriculture, Marc de Montigny réalise une étude économique, qui sera doublée par une autre conduite par des étudiants de l’ISA Lille. « Les deux études arrivaient à la même conclusion, le bio était économiquement viable pour mon exploitation et en plus la charge de travail serait différente», analyse l’agriculteur.
À condition d’arriver à une certaine autonomie dans l’alimentation du troupeau. « En conventionnel, j’avais jusqu’à 60 vaches. En bio, je vais tourner à 40/45 vaches pour faire correspondre l’effectif à la production fourragère. Acheter à l’extérieur en bio, c’est bien trop cher, explique Marc de Montigny. Le changement de système n’a d’intérêt que si on va vers l’autonomie ». Même avec moins de vaches, la meilleure valorisation du lait en bio permettrait d’atteindre le même EBE.
Repenser son assolement
Depuis le 28 avril 2017, Marc de Montigny a entamé la conversion de son exploitation. D’abord les terres, puis, depuis juin 2018, le troupeau. « La conversion en lait bio dure 6 mois et devrait être finie le 26 décembre. J’ai opté pour une variante de la conversion non simultanée : on passe d’abord les terres en bio pendant un an, puis, après le troupeau ». « Passer du jour au lendemain de vaches produisant 25 à 30 litres quotidiens à une production de18 à 22 litres, cela ne m’a posé aucun problème », reconnait-il. Je ne cherche plus à produire toute ma référence ». « Pour le moment, la question la plus difficile a été de savoir si j’arriverai à l’autonomie pour l’alimentation hivernale », reconnait-il, même avec un nombre de vaches réduit et une plus grande rigueur dans son assolement. « Pour l’instant, j’ai réussi et je passerai l’hiver sans problème».
La conversion reste une période compliquée car, malgré l’accompagnement, il faut remettre en cause la stratégie de son exploitation. « Même si on est bien préparé, psychologiquement, le jour de la certification est une crainte, on se demande si tout va bien se passer. Si cela ne se passait pas correctement, la conversion pourrait être retardée d’un an », s’inquiétait l’éleveur. Pour sa conversion, Marc de Montigny a été accompagné par Bio Hauts de France. « J’ai, notamment, suivi des formations prairies ». Car, avoir des prairies productives sera un point essentiel pour arriver à l’autonomie fourragère, nécessaire au bon fonctionnement de son exploitation.
Première étape pour la réussite de ses prairies, c’est de bien les implanter. « Concernant les semences fourragères, j’ai écouté les conseils d’un technico-commercial passionné par la culture et l’élevage bio, et par des conseillers de la chambre d’agriculture. Mais le choix n’est pas si évident qu’il parait, reconnait Marc de Montigny. Certaines variétés, adaptées à nos conditions pédoclimatiques, n’existent pas en bio. Il faut demander une dérogation à l’organisme certificateur ». Le passage en bio demande de revoir ses critères de choix variétaux. « Comme on ne met plus d’engrais chimiques, nous avons besoin de variétés qui répondent bien aux engrais organiques pour pouvoir produire 9 tonnes de matière sèche sur nos prairies temporaires ».
Les prairies permanentes n’ont pas été modifiées. Seule l’a été leur valorisation. « Pour les vaches comme les génisses, je fait du pâturage tournant dynamique, explique Marc de Montigny. J’ai commencé l’an dernier ». Les chardons et les éventuels refus sont fauchés. Pour les prairies temporaires, une parcelle de 7 Ha, en zone séchante, a été ensemencée en luzerne/dactyle/ray grass hybride. « J’y fais 4 fauches par an », explique Marc de Montigny. Sur les autres parcelles, c’est ray grass hybride/trèfle blanc/trèfle violet. « Cette année, j’ai ensilé la première coupe. Les 2e, 3e et 4 e coupes ont été enrubannées, retrace l’éleveur. Entre la 2e et 3e coupe, j’ai laissé le trèfle et la luzerne fleurir pour qu’ils reprennent un peu de vigueur ». L’enrubannage sera complété cet été par un concentré bio, équivalent à une céréale « car ma ration manque un peu d’énergie », estime l’éleveur. Pour l’hiver, le maïs ensilage apportera l’énergie nécessaire à la ration, complété de l’ensilage de ray grass/trèfle et méteil. Si la ration manque d’urée, on complètera éventuellement avec 500 gr à 1 kg de soja par VL.
Les pré-requis pour passer en bio
Au regard de son expérience, Marc de Montigny dresse une liste de pré-requis pour passer en bio en élevage laitier.
- 1- avoir cette envie bien ancrée en soi,
- 2 - l’herbe doit représenter une part suffisante de la SAU car elle va constituer l’essentiel de la ration,
- 3 - le parcellaire doit être regroupé de façon adaptée pour permettre le pâturage et suivre au plus près la pousse de l’herbe pour les parcelles fauchées et paturées,
- 4 - à l’avenir le prix du bio doit se maintenir. S’il y a suppression de la prime au maintien, il faut qu’elle puisse être compensée,
- 5 - il ne faut pas que l’exploitation ait de trop grosses échéances de prêts à rembourser ou qu’elle vienne d’investir récemment des montants importants pour des projets qui ne concernent pas le passage en bio.