Gagner en autonomie fourragère avec les mélanges prairiaux adaptés
À Ayherre dans les Pyrénées-Atlantiques Jean-Michel Sabaloue s’intéresse aux mélanges prairiaux depuis une quinzaine d’année et depuis peu, aux vertus de la chicorée.
Éleveur de brebis laitière Manech tête rousse (race locale du Pays Basque), Jean-Michel Sabaloue nourrit ses bêtes à l’herbe et à l’enrubanné en respectant les contraintes du cahier des charge de l’AOP Ossau-Iraty. Quand Jean-Michel a repris l’exploitation il y a quinze ans, les prairies étaient dominées par des dactyles ; il y avait aussi du ray-grass semé en dérobé d’un maïs fourrage ensilé en plante entière. Il désormais abandonné le maïs, l’ensilage étant interdit par l’AOP Ossau-Iraty depuis 2018, et développé des prairies multi-espèces pour améliorer son autonomie fourragère.
L’appétence, la clé du succès
Ses 35 ha de prairies forment trois îlots. Deux îlots situés entre 1 à 2 km de la bergerie sont fauchés et enrubannés à raison de 3 à 4 coupes par an puis pâturés en automne et en hiver. Jean-Michel y a installé des prairies multi-espèces à base de fétuque, luzerne, dactyle, trèfles, ray-grass anglais et lotier. « Je coupe au tout début de l’épiaison. L’herbe mesure maximum 25 à 30 cm et je laisse à chaque fois une hauteur de fauche de 9 cm », précise l’éleveur.
Le troisième îlot, 11 ha à proximité de la bergerie, est réservé à la pâture des brebis en lactation. Il y a trois ans J.-M. Sabaloue a opté pour deux mélanges multi-espèces incluant du ray-grass anglais, ray-grass hybride, des trèfles, du lotier corniculé et de la chicorée fourragère. « Auparavant j’utilisais un mélange à base de ray-grass hybride et de légumineuses. Ce n’était pas assez appétant pour les brebis qui n’exploraient pas toutes les surfaces, évitant les pentes exposées au nord. Depuis la différence est réelle : elles vont partout et le niveau de lait est même remonté. »
Avec ce changement de système, J.-M Sabaloue a réduit ses apports de concentrés : « Je suis à présent à moins de 100 kg de concentrés par brebis. Comparé aux apports d’avant, sans doute plus proches des 140 kg, nous économisons de l’ordre de 10 à 12 euros par brebis », estime l’éleveur. « En période de traite, je peux distribuer jusqu’à 1 kg d’enrubanné à 70 % de matière sèche par jour par brebis, poursuit-il. Elles en sont très friandes. Par exemple j’en distribue systématiquement tous les matins avant qu’elles ne sortent pâturer pour limiter les risques de météorisations liés aux légumineuses. »
La chicorée, semée à 1 kg/ha, s’est bien implantée sans devenir dominante. Une fois installée la plante pousse très vite et poursuit sa croissance même en période sèche estivale. En tige elle perd son appétence et son intérêt nutritif. Mais l’éleveur la contient grâce à un pâturage tournant dynamique : divisés en 11 parcs de 1 hectare, les brebis changent tous les deux jours. En mai, lorsque la pousse de l’herbe est maximale, il réduit sa rotation à 7 ou 8 parcs. Le reste est enrubanné dès que l’herbe atteint une trentaine de centimètres.
Réduire les vermifuges
L’éleveur a aussi entendu parler de l’effet prophylactique de la chicorée contre les strongles digestifs. Cela l’intéresse beaucoup et il participe à un programme de suivi conduit par la chambre d’agriculture de son département (64) depuis 2019. Les coproscopies réalisées sur son troupeau non traité révèlent un faible taux de parasitisme (300 œufs de strongles par gramme de fèces) : « Ce résultat m’interroge sur la nécessité du soin systématique. Un seul traitement coute environ 1,20 € par brebis. Si la chicorée a vraiment cet effet, je dois pouvoir faire des économies. » Mais J.-M. Sabaloue hésite encore par manque de recul et de certitude. Dans un premier temps, il va éviter de traiter tout le troupeau mais juste pratiquer un traitement sur les jeunes brebis (de 2 et 3 ans) un mois après la mise à l’herbe.
Un semis mi-octobre, adapté à ses conditions pédoclimatiques
L’exploitant renouvelle ses prairies tous les quatre ans par tranche de trois hectares. Il va désormais implanter la chicorée dans tous ses îlots. Il réalise en août un travail superficiel du sol au rotavator (6 cm maximum) pour un faux semis. Mi-octobre il sème son mélange prairial avec un semoir Delimbe posé sur un cultipacker, « cela parait tardif mais mes prairies repartent mieux que lorsque je faisais mes semis début septembre », justifie-t-il.
Il ne pratique plus le labour et compte sur la chicorée pour améliorer la structure de son sol par son exploration racinaire plus profonde. À noter, sa chicorée semée en 2019 a mal levé, « peut-être à cause d’une fin d’année trop pluvieuse ? », se demande-t-il. Il cherche aussi à se débarrasser du rumex. Son idée est de casser le cycle des prairies en intercalant un mélange de sorgho fourrager (15 kg/ha) et cowpea (2 kg/ha) de mai à août. Une première tentative réalisée sur deux hectares en 2019 s’est révélée peu concluante car la légumineuse d’origine tropicale n’a pas poussé. Il refera un essai en 2021.