Faire reconnaitre la qualité de notre lait
La Spécialité de Tradition Garantie « lait de foin » certifie un lait produit avec une ration à base d’herbe et de foin. Pour les éleveurs, c’est une reconnaissance de leurs pratiques.
Un peu comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, les éleveurs de lait de foin en produisaient bien avant que la STG soit reconnue. Ce signe de qualité valide une production laitière à partir d’une ration composée à au moins 75% d’herbe pâturée et de foin. « Que notre production soit labélisée « lait de foin » est une reconnaissance pour nos pratiques, apprécie Raphaël Prignot. Installé à Villiers sur Marne (52), cet éleveur respecte les pratiques, officialisées en 2019 dans la 1e Spécialité Traditionnelle Garantie laitière française, depuis des années. « Nous transformons une partie de notre production en fromage au lait cru. Pour des raisons de qualité du lait, de fromageabilité, nous n’utilisons plus de fourrages fermentés depuis longtemps », explique l’éleveur bio. C’est souvent cette exigence de la transformation qui a motivé les éleveurs à supprimer les fourrages fermentés. « Bien avant la STG, nous avions arrêté l’ensilage pour répondre au cahier des charges de notre collecteur, la laiterie d’Entrammes (53), qui produit des fromages au lait cru », partage Clément Gaultier, éleveur en Mayenne. Le lait de foin est reconnu pour sa qualité et son intérêt pour la transformation. « Je vends la majorité de mon lait à Lactalis, explique Gwenaël Legalliot, éleveur à Languidic (56). Depuis l’an dernier, un agriculteur voisin qui fait de la transformation me prend du lait pour faire des fromages de longue conservation. On s’est mis d’accord sur un prix, correct pour tous les deux. Au-delà de l’aspect économique, c’est agréable de savoir que notre lait est apprécié pour sa qualité ». Cette qualité du lait de foin ouvre d’ailleurs de nouveaux marchés. « La laiterie de la Durance est intéressée par la qualité de notre lait pour faire du fromage à raclette », témoigne Clément Gaultier.
Filière en construction
La certification lait de foin est accessible pour des éleveurs en conventionnel comme en bio. Son exigence porte sur la composition de la ration, avec au moins 75% d’herbe pâturée et de foin. Quel que soit le mode de valorisation de leur lait, l’obtention de la certification « lait de foin » est une reconnaissance des pratiques, que les éleveurs avaient mis en place pour redonner toute sa place à l’herbe dans leur élevage. « Aller vers la STG lait de foin est la suite logique du travail commencé avec la mise en place du séchage en grange lors de notre passage en bio. Cela conforte nos choix techniques », estime Gwenaël Legalliot, Chez Raphaël Prignot, le foin est conservé en bottes. « Je mise sur des espèces qui sèchent bien, comme le dactyle et la fétuque », souligne l’éleveur. Depuis de nombreuses années, tous les éleveurs avaient travaillé à maximiser le pâturage, qui en implantant des espèces, comme la chicorée ou le plantain pour augmenter le pâturage estival, qui en échangeant des parcelles pour augmenter la surface accessible.
Tous sont convaincus de l’intérêt, technique comme économique, d’un système herbager autonome, avec une grande cohérence entre les ressources fourragères et le cheptel. Premier bénéfice noté, celui pour la santé des vaches. « Sans aliment fermenté, il y a moins de problème métabolique, les vaches qui vieillissent mieux », souligne Clément Gaultier.
Même pour les éleveurs qui étaient déjà en bio, la certification lait de foin apporte un plus pour la communication, la reconnaissance par les consommateurs. « Nos clients accordent plus d’importance à la production au lait de foin qu’au fait que nous sommes en bio, remarque Raphaël Prignot. Savoir que les vaches sont nourries à l’herbe, ça correspond à leur vision de l’agriculture, à leurs attentes en termes d’environnement et de bien-être animal ». D’ailleurs, face la demande, l’éleveur va augmenter la proportion du lait qu’il transforme.
Si même avant l’obtention de la STG, les éleveurs étaient convaincus de l’intérêt de leurs pratiques, ils en espèrent quand même une reconnaissance économique. Pour l’instant, le lait de foin ne bénéficie pas d’un prix différencié, qu’il soit conventionnel ou bio. « Sans aliments fermentés, nous produisons un lait premium sans problème de butyriques. La qualité de notre lait mérite une plus-value », soulignent les éleveurs. En plus de l’intérêt en termes de fromageabilité, les éleveurs veulent voir reconnus les impacts positifs de leurs pratiques, en terme d’environnement, de biodiversité, de stockage carbone par les prairies. Si cette reconnaissance économique est une réalité en Autriche, où la filière lait de foin est très développée, en France la démarche en est à ses débuts. Certains transformateurs, à la ferme ou de dimension artisanale, affichent le logo « lait de foin » sur leurs produits, mais ce n’est pas le cas pour la plupart des laiteries. « Il faut que nous soyons suffisamment nombreux pour une collecte séparée et valorisée », appelle de ses vœux Gwenaël Legalliot.