À la Cuma de la Rosée, on mutualise les machines et les hommes
Selon les travaux d’Idele, le coût de production des fourrages peut varier d’un facteur 1 à 7 au sein d’un groupe d’exploitations agricoles ayant le même système et le même fourrage. Les charges de mécanisation représentent plus de 50% de ce coût. Pour les diminuer, un groupe d’éleveurs bas-rhinois a fondé une CUMA et pris le parti de tout miser sur le travail en commun.
Les éleveurs raisonnent d’abord "autonomie fourragère"
La ration de base des laitières bas-rhinoises est principalement composée d’ensilage de maïs. L’herbe y est introduite sous forme de foin, d’ensilage ou d’enrubannage et provient majoritairement de prairies de fauche. La pâture est rare et réservée à des zones à faible potentiel.
« Deux types de prairies de fauche existent dans le Bas-Rhin : les prairies d’ensilage et les prairies de foin, détaille Laurent Fritzinger, conseiller spécialisé à la Chambre d’Agriculture d’Alsace. Les prairies d’ensilage sont fauchées 2 fois et produisent en moyenne de 2 à 3 tonnes de MS/ha. Les prairies de foin, généralement les prairies naturelles, sont coupées 1 fois entre fin mai et fin juin et produisent 3 à 4 tonnes de MS/ha, et sont suivies par une coupe de regain en année favorable ».
Les prairies d’ensilage sont généralement des prairies temporaires, pour lesquelles « on recommande désormais des graminées productives et plus résistantes au stress hydrique, comme les dactyles et les fétuques » explique Laurent Fritzinger. « Aujourd’hui, les éleveurs raisonnent « autonomie fourragère », surtout vu les baisses de récolte dues aux sécheresses successives et l’augmentation des tailles des troupeaux ces dernières années », ajoute-t-il.
Le modèle CUMA pour diminuer les charges de mécanisation
Jean-Luc Knoerr, conseiller de gestion au CFG 67 (Centre de Gestion du Bas-Rhin), rappelle que plus le nombre d’hectares sur lequel tourne une machine est important, plus ses coûts d’utilisation sont bas.
Il donne l’exemple théorique d’une faucheuse de 3,20 mètres achetée neuve à 9 300 €. Le coût d’utilisation chute de façon importante entre 20 et 60 ha travaillés. Pour des éleveurs ayant des surfaces à faucher inférieures à 60 ha, l’adhésion à une CUMA permet de réduire les charges de mécanisation. Se pose alors généralement la question de disponibilité de la machine.
Mettre ses surfaces en commun pour diluer les risques
À la CUMA de la Rosée, une dizaine d’adhérents ont décidé de mutualiser leur temps et leurs compétences pour réaliser les différents chantiers dans leurs prairies. Matthieu Goehry, éleveur laitier à Mittelhausen et Président de la CUMA, explique : « Nous nous coordonnons via un groupe dédié dans l’application de messagerie What’s App. Quand vient l’heure de faucher, de faner, d’andainer, d’ensiler ou de charger les bottes, l’attribution des tâches se fait en échangeant sur l’appli ». Chaque adhérent, en fonction de ses préférences et de ses compétences techniques mais aussi du temps dont il dispose au moment du chantier va prendre en charge une partie de l’itinéraire technique de l’ensemble de la surface des adhérents du groupe. Sauf pour le foin où un adhérent unique a été désigné pour prendre en charge la presse à botte carrée, « car elle est complexe à prendre en main et l’adhérent en question en a une très bonne maîtrise », explique Matthieu Goehry.
« Afin d’assurer la qualité de son fourrage, chaque éleveur prend certaines décisions, comme celle d’andainer, par exemple, même si ce n’est pas lui qui est aux commandes des machines ». L’année dernière, le groupe a fauché environ 700 ha et en a andainé 665. La presse a ramassé 4 354 mètres linéaires en herbe, soit 1 700 bottes* ». Il assure aussi que les risques sont maîtrisés. « Les récoltes sont naturellement échelonnées dans le temps, car les précocités des prairies naturelles sont différentes ». Le mode d’exploitation, notamment le niveau de fertilisation, mais aussi la situation géographique et pédologique des prairies en sont les raisons. Et en cas de pépin, il est prévu que les bottes mouillées des dernières parcelles soient partagées entre les éleveurs, « même si nous n’avons pas eu besoin de cette mesure jusqu’à maintenant, car nous avons toujours réussi à gérer les fenêtres météorologiques convenablement ».
Matthieu Goehry est satisfait concernant ses charges de mécanisation. « Par exemple, pour mon exploitation, 85 ha ont été fauchés l’année dernière. La CUMA m’a facturé 387 euros pour les faucheuses. J’arrive à un coût de 4,60 €/ha sans traction ni main d’œuvre ». La confiance de chacune des parties envers l’autre est essentielle dans leur organisation. L’équilibrage des temps de travail se fait au jour le jour et à la fin de l’année, de façon orale, avec la bonne volonté de tous. Le coût de la main d’œuvre n’est ainsi pas estimé dans le calcul des charges de mécanisation. Pour Matthieu, « si l’éleveur n’est pas convaincu par le côté humain de cette organisation, ce ne sont pas les chiffres qui le convaincront de franchir le pas ».
Matériel de récolte des fourrages de la CUMA de la Rosée |
Unité de calcul du coût |
Coût d’utilisation (sans traction ni main d’œuvre sauf tracteur et presse à bottes carrées) |
5 tracteurs |
€/heure (hors gazole) |
22.60 €/h |
2 groupes de fauche avant / arrière de 6.75 mètres de large chacun |
€/ha fauchés |
4.60 €/ha |
2 faneurs 8 et 10 toupies |
€/ha de prairies détenues |
39 €/ha |
1 andaineur central 8,5 m double toupies, 1 andaineur latéral 6 m double toupies |
€/ha andainés |
7.90 €/ha |
1 presse à bottes carrées 90/120 |
€/mètre linéaire |
490 €/mètre linéaire |
5 Plateaux |
€/ha pressé (herbe et paille) |
26.25 €/ha |
* : la presse à bottes carrées est utilisée pour l’herbe et la paille. L’année dernière, 7500 bottes ont été confectionnées en tout dont 1700 pour l’herbe et le reste pour la paille.