Assurer la productivité de ses prairies
Avec ses 3 associés, Nicolas Leduc, éleveur dans le Nord, produit et transforme du lait bio. Avec une ration basée sur l’herbe, la gestion des prairies est essentielle. Pas facile quand le climat joue avec les extrêmes.
À Brunembert (62), l’EARL Leduc compte 4 associés, Nicolas, son épouse, sa sœur et son frère. L’exploitation regroupe un élevage laitier, avec 35 vaches et un atelier de transformation et 9 hectares de vergers, dont 6 H en verger haute-tige. L’exploitation est conduite en agriculture biologique. « J’ai débuté ma réflexion sur ce mode de production dès 1999, au départ en retraite de mon père, se souvient Nicolas Leduc. Mais à l’époque il n’y avait pas de marché facilement accessible ».
Nicolas a néanmoins continué sa réflexion et a préparé son exploitation au passage en bio, en commençant par « désintensifier ». Quand sa coopérative laitière décroche en 2010 des marchés en bio, l’éleveur entame rapidement sa conversion. Une conversion non simultanée : les cultures ont été converties le 1er mai 2010 et certifiées deux ans après tandis que son premier lait bio était livré le 1er octobre 2012. « Dès la conversion, j’ai fait évoluer mon cheptel vers des vaches plus rustiques, par des croisées Holstein x Montbéliardes et des Rouge Flamandes », explique l’éleveur, qui donne aussi plus de place au pâturage. Ainsi, le maïs a diminué de 15 à 4 Ha au profit de praires. Aujourd’hui, il produit 270.000 litres (avec un droit à produire de 350.000).
Cultiver l’autonomie
Pour que le passage en bio réussisse, Nicolas Leduc sait qu’il doit gagner en autonomie fourragère. Sur les 67 Ha de l’exploitation, 35 sont des prairies permanentes, 10 Ha en céréales dont une grosse partie est ensilée en méteil (blé/triticale/pois/vesce). 4 ha restent en maïs. 15 Ha sont des prairies temporaires : 6 Ha sont en dactyle/luzerne, autant en RGH/trèfle hybride et 3 Ha d’un mélange trèfle hybride, fétuque élevée, RGH, luzerne et trèfle blanc « pour des essais de séchage en grange », explique Nicolas Leduc. L’exploitation veut se lancer dans les fromages à affinage long, de la mimolette, de la tomme et un fromage de type gruyère. « Pour leur qualité, nous voulons revoir notre système d’affouragement pour éviter tout ensilage », anticipe l’éleveur. La ration à base de foin sera complétée, pour l’énergie par des betteraves fourragères, cultivées sur l’exploitation, et du maïs grain humide.
Depuis le passage en bio, Nicolas conduit ses prairies temporaires avec un système de rotations sur 3 ans. « Sur les parcelles les plus séchantes, je sème un mélange dactyle/luzerne », constate Nicolas Leduc. Les parcelles plus humides sont en trèfle violet/RGH, elles seront fauchées. La première coupe est ensilée. « Cela représente une douzaine d’hectares, chiffre Nicolas Leduc. On y ajoute des prairies permanentes si on a des parcelles à débrayer du pâturage quand la pousse commence fort ». Les prairies permanentes sont conduites en pâturage tournant dynamique. L’autonomie fourragère est atteinte, grâce à une bonne valorisation des prairies. « Nos 67 hectares ont la capacité à nourrir 35 à 40 vaches, apprécie Nicolas Leduc. Aujourd’hui, on fait extrêmement peu d’achats ».
Faire face aux aléas climatiques
Dans une exploitation très herbagère, « la réussite dépend vraiment du climat, analyse l’agriculteur. Cela a très bien marché l’année dernière. On avait complètement fermé les silos pendant 4 mois et demi. Cette année, c’est beaucoup plus compliqué. On a eu un début de printemps très humide, donc une sortie retardée. Puis rapidement de la chaleur, donc une montaison très rapide ». Par conséquent, l’éleveur a dû plus faucher. « Sur les parcelles normalement pâturées, j’ai fauché 4 Ha car l’herbe montait trop vite. Et maintenant, il fait trop sec, rien ne pousse ». Pour maintenir la production laitière, le climat fait la loi. « C’est la productivité des cultures de printemps qui va conditionner le lait de l’année, souligne Nicolas Leduc. L’an dernier, on a eu des rendements en maïs exceptionnels. Cette année, on a de très bons fourrages de printemps mais maintenant tout est sec, le lait va redescendre ». L’éleveur s’interroge sur la meilleure façon de faire face aux variations climatiques « Comment arriver à réguler la production fourragère ? Orienter une partie de ses parcelles pour qu’elles soient résistantes à la sécheresse, une autre en cas d’humidité », s’interroge-t-il.
Pour l’instant, Nicolas Leduc choisit ses semences en fonction du type de sol de chaque parcelle. L’agriculteur implante ses prairies temporaires au mois de mars et début avril. « Je sème directement ou après un passage d’étrille. On va réimplanter notre future prairie sur une céréale, à un stade tallage. Comme ça, la graine est sous couvert. L’humidité favorisera la germination, explique-t-il. Après à la fauche, on récolte tout, la céréale part dans le méteil. Ce qu’on a implanté est en dessous, qui n’attend plus que la lumière pour se développer ». Une 2e coupe finira de nettoyer la parcelle 1 mois après. « On n’a pas un gros rendement mais cela permet d’avoir une parcelle bien implantée. L’année d’après, le potentiel est plus costaud. Ca démarre vite, sans craindre la concurrence ou les ravageurs ». En agriculture biologique, la gestion des adventices peut être délicate. « Les premières années, les désherbages ont été compliqués, reconnait Nicolas Leduc. Il faut attendre l’effet des rotations ». Le désherbage des prairies se fait par fauchage. «Il y a un peu de chardons et de moutarde sauvage mais les prairies sont bien implantées, donc ce qu’on a semé prend le dessus ».
Le passage vers le bio a été a été facilité par une expérience en agriculture raisonnée. « On était déjà sur un système très extensif, avec un maximum d’amendements organiques », estime l’agriculture. Le fumier et le lisier de l’élevage suffisent. « Sur les prairies temporaires, le trèfle et la luzerne enrichissent 2 à 3 ans de rotation ».
En quelques années, l’EARL Leduc est passée d’un système très intensif à une quasi-autonomie, avec, certes une réduction du volume de lait produit mais une amélioration du prix. « Pendant les années de transition, les primes à la conversion aident, reconnait Nicolas Leduc. Les 5 premières années du passage en bio restent compliquées. Notre coopérative, Ingrédia, a joué le jeu en payant un peu plus cher que le prix du conventionnel, pendant les années de conversion ».