Peut-on conférer aux prairies un rôle médicinal ?
Brouter, c’est bon pour la santé des ruminants. Mais peut-on aller encore plus loin ? Les prairies peuvent-elles avoir un vrai rôle médicinal si elles sont implantées avec des espèces spécifiques ? La société Eilyps a conduit des essais pour en savoir plus.
Que se passe-t-il lorsque l'on incorpore dans les pâtures des plantes aux effets bénéfiques pour la santé, en termes de soutien digestif ou de lutte contre les parasites. Il y a 4 ans, Eilyps, le contrôle de performances d’Ille-et-Vilaine, s’est intéressé à des travaux britanniques sur la prévention des strongles sur les agneaux grâce au pâturage de certaines espèces ciblées pour leurs actions anti-parasitaires. « Les vertus médicinales des plantes sont bien reconnues en médecine humaine. C’est une piste à explorer pour la prévention en élevage bovin », estime Pauline Woehrlé, responsable du pôle agriculture biologique et durable. Et d’ajouter, « les animaux savent d’instinct consommer les plantes dont ils ont besoin selon leur état de santé. Il faut juste leur redonner accès à cette diversité de plantes ».
Après avoir élaboré des mélanges de plantes médicinales adaptées au climat français, Eilyps a accompagné ses adhérents dans l’implantation et la valorisation des premières prairies à vocation pharmaceutique il y a 2 ans. « C’est un outil de plus dans notre panoplie de prévention, estime Christophe Lemesle, éleveur bio à Argentré du Plessis (35). Ce n’est pas facile de quantifier le bénéfice de ce nouveau type de prairie mais, 2, 3 mois après le début de leur utilisation, nous avons noté une amélioration sur le taux de cellules. C’est peut-être dû à une meilleure immunité. En tout cas, on a tout à gagner à avoir des vaches plus résistantes ». Certains éleveurs les ont implantées dans l’une de parcelles habituellement pâturées, avec un passage des vaches toutes les 2 à 3 semaines. D’autres choisissent d’implanter ces mélanges spécifiques non pas en une seule parcelle mais sous forme d’une bande commune à plusieurs paddocks.
De 15 à 17 espèces différentes
Dans cette tisane à brouter, on trouve des plantes connues pour leurs bienfaits digestifs : pimprenelle, achillée millefeuilles, pimprenelle... Et d’autres qui diminuent la pression parasitaire grâce à leur teneur en tanins : centaurée noire, lotier, sainfoin… Le point commun de ces espèces est d’être riches en métabolites secondaires : flavonoïdes, polyphénols, tanins. « La diversité des espèces donne aussi des systèmes racinaires différents, qui puisent des oligo-éléments à plusieurs profondeurs. Par exemple, dans les prairies que nous avons étudiées, nous avons relevé deux fois plus de calcium et de phosphore que dans une pâture habituelle. On trouve aussi des métabolites anti-oxydants qui sont intéressants pour améliorer le statut inflammatoire », souligne Pauline Woehrlé.
Ces prairies "santé" n’oublient pas une certaine productivité fourragère, grâce à des espèces plus axées sur la production fourragère : ray-grass, luzerne, chicorée. Les prairies aujourd’hui semées se composent de 15 à 17 espèces, mélangeant des espèces aux vertus médicinales et des fourragères classiques. Une telle diversité permet d’élargir les actions de prévention et d’augmenter l’appétence.