Ensilage précoce, l’atout qualité
En fauchant au stade début montaison plutôt qu’à l’apparition des premiers épis, l’ensilage est particulièrement riche en énergie et en protéines. Cette qualité est obtenue au détriment du rendement. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? La station expérimentale de Trévarez (29) a mesuré l’intérêt de l’ensilage précoce en système bio et en conventionnel.
L’ensilage est dit précoce, quand il est réalisé au stade début montaison des graminées, soit après 4 à 5 semaines de pousse, au lieu du stade début épiaison, après 6 à 7 semaines de pousse. En ensilant les plantes avant l’apparition des tiges, on obtient un fourrage plus riche en énergie et en matière azotée. La récolte s’améliore de 1369 UFL à l’hectare (+18%) et de 600 kg de MAT (+32%). Ce gain de valeur alimentaire se fait au détriment du rendement, qui baisse de 13%.
Pour savoir si, économiquement, le gain de valeur alimentaire compense la perte de rendement, la chambre d’agriculture de Bretagne a testé l’intérêt de l’ensilage précoce sur les deux troupeaux, l’un en conventionnel et l’autre en bio, de sa ferme expérimentale de Trévarez (29). Pendant les 3 mois de ration hivernale, ont été comparés de l’ensilage fait à un stade début épiaison et de l’ensilage précoce. Ce dernier s’est révélé moins encombrant et avec un meilleur équilibre énergie / azote. Il titre 80 g PDI/UFL contre 76 pour un ensilage classique.
Pour le troupeau bio, la ration hivernale se basait sur 5 kg MS de maïs, de l’ensilage à volonté et 2,5 kg MS d’orge et maïs grain humide. Comme l’ensilage précoce est moins encombrant, l’ingestion a augmenté de 4,2 kg. Ce qui a permis une augmentation de la production de 2,4 kg pour les primipares et de 4,8 kg pour les multipares. Soit, en moyenne, un gain de chiffre d’affaires de 2€/VL/jour. « Pour un troupeau de 75 vaches, dont 25% de primipares, cela représente un gain de marge sur coût alimentaire de 10.358 € sur les trois mois en ration hivernale » chiffre Pascal Le Coeur, responsable de la ferme expérimentale. L’effet positif de l’ensilage précoce a été particulièrement marqué car l’herbe domine dans la ration.
Pour le troupeau en conventionnel, la ration est composée de 60% d’ensilage de maïs, de 40% d’ensilage d’herbe et 4 kg de correcteur azoté. L’ingestion a quand même augmenté de 1,7 kg. Ce qui s’est traduit par un gain de 1,9 kg de lait, soit + 0,7€/VL/jour du chiffre d’affaires. « Alors que la marge sur coût alimentaire est de 6,3€/VL/jour avec un ensilage classique, elle atteint 6,7€ avec un ensilage précoce, partage Pascal Le Coeur. Pour un troupeau de 75 vaches, cela représente une amélioration de la marge de 2.635 €. L’effet est moins marqué qu’en bio car la proportion d’herbe dans la ration est plus faible ». Le stade d’ensilage n’a pas eu d’effet notable, ni sur les taux, ni sur les performances de reproduction.
Trouver le bon compromis
« Pour obtenir la qualité optimale du fourrage, on ne peut pas viser le rendement maximum, prévient Pascal Le Coeur. Même s’il faut prévoir plus de stock, l’intérêt économique est là. La hausse du coût des concentrés plaide aussi en faveur de l’autonomie protéique ». L’intérêt de l’ensilage précoce est à réfléchir au regard de la place de l’herbe dans son système fourrager et des surfaces disponibles. Un compromis qualité/rendement peut être trouvé en récoltant de façon précoce en début de printemps, sur la période de pousse active, puis en repassant sur des intervalles plus longs pour la 2e partie de la saison en faisant de l’enrubannage, comme les quantités sont moins importantes, ou de l’ensilage. « Avec les 3 premières coupes précoces, on ramasse 70% du rendement avant la sécheresse estivale en s’assurant de la qualité du fourrage », encourage Pascal Le Coeur.
Les prairies sur lesquelles a été testé l’ensilage précoce ont été semées avec 20 kg de ray-grass hybride typé anglais, 8 à 10 kg de trèfle violet et 1 à 2 de trèfle blanc. « Ce sont des prairies qui restent productives 4 ans, constate Pascal Le Coeur. Après 3 ans, il n’y a pratiquement plus de trèfle violet mais le trèfle blanc a tranquillement pris le relais ». Avant la 1e coupe, du lisier de bovins de bonne qualité est épandu pour un apport d’azote afin de soutenir la pousse jusqu’à ce que les légumineuses prennent le relais. Pour compléter en potasse, du fumier vieilli est apporté entre les 2 dernières coupes ou après la dernière. « Cela nous permet, dans les conditions bien arrosées du centre Finistère, un rendement de 10 à 14 T MS », chiffre Pascal Le Coeur.