Des clôtures virtuelles pas aussi efficaces qu’espérées
En février 2016, nous entendions parler d’un système de clôture virtuelle, une technologie prometteuse qui devait simplifier la gestion du pâturage pour les éleveurs et qui a suscité beaucoup d’attentes auprès des éleveurs et des professionnels. Le projet est pourtant à l’arrêt depuis 2 ans. Alexis Ferard, ingénieur régional fourrages chez Arvalis, a travaillé quelques mois au Teagasc, il explique cette suspension.
En 2015, des chercheurs du Teagasc, l’institut irlandais de recherche agronomique, ont lancé un projet d’étude sur une mesure automatisée des quantités d’herbe disponibles, couplée à un système de clôture virtuelle. Ce qui devait permettre une gestion quasi automatisée des surfaces pâturées, sans avoir la contrainte de déplacer les fils. Dans l’expérimentation irlandaise, la quantité d’herbe disponible est évaluée à partir d’une mesure de la hauteur avec un herbomètre équipé d’un télémètre. Les mesures, couplées à des données GPS, assuraient une cartographie de l’offre en herbe de chaque parcelle. Ces informations permettent à l’éleveur de délimiter des zones de pâturage. Les coordonnées GPS de ces zones sont transmises à un boitier fixé au cou de l’animal. Un signal sonore ou électrique est émis par le boitier pour maintenir chaque animal dans une zone de pâturage définie, en se déclenchant quand les animaux se rapprochent des limites virtuelles.
Pour Alexis Férard, ingénieur régional fourrages chez Arvalis : « il ressort de cette expérimentation que le système des clôtures virtuelles n’est pas encore fonctionnel pour que les vaches soient complètement autonomes au pâturage. Le comportement des animaux n’était pas celui attendu ». Si les vaches sont capables d’intégrer la présence des limites virtuelles, les comportements sont très différents d’un animal à l’autre. Les scientifiques ont souligné des comportements binaires : soient les animaux s’affolent parce qu’ils sont stressés à l’idée d’avoir un son puis un choc électrique sans vraiment savoir d’où il vient et pourquoi ils le reçoivent ; soient certains n’osent plus du tout s’approcher de la zone « suspecte » et restent couchés ou debouts à ne rien faire. Ainsi, les chercheurs ont noté une augmentation du nombre d’animaux « debout inactif » et une réduction de moitié du temps passé à pâturer lorsque les barrières virtuelles ont été activées. De quoi réduire l’herbe ingérée et l’intérêt de cette technologie…
Si la technologie peut progresser rapidement, le comportement des vaches est plus difficile à faire évoluer. Lors de la première année d’expérimentation, avec une parcelle fermée par des clôtures virtuelles, les vaches s’affolaient et s’enfuyaient. Un apprentissage a été tenté pour faire intégrer aux vaches le concept de barrières invisibles. Si certains animaux ont réussi à apprendre comment gérer ces barrières invisibles, leur comportement alimentaire reste durablement modifié. D’autres essais, en Australie et en Nouvelle-Zélande, ont aussi montré la nécessité d’un long processus d’apprentissage des vaches au port du collier. Ce qui est complètement inenvisageable en élevage.
Cette technologie, dont l’intérêt pour faciliter le pâturage est à creuser, demande encore à être peaufinée avant d’arriver dans les élevages laitiers. Par contre, pour des troupeaux pastoraux qui pâturent sur des très grandes surfaces, ce type de collier reste intéressant pour équiper certains animaux un peu leaders du troupeau afin qu’ils ne s’approchent pas des zones à risques ou ne changent pas de vallon. Mais là nous ne sommes plus dans une évaluation de la quantité de MS disponible zone par zone.