Grouper les naissances pour profiter de la pousse de l’herbe
En Irlande, l’herbe est une richesse. Ses prairies, qui couvrent 92 % de la SAU, soit 4,5 Millions d’ha, constituent le socle du système fourrager et elles sont principalement valorisées par le pâturage. Pour exploiter au maximum cette ressource, les Irlandais ont décidé d’adapter leur troupeau à ce système. Peut-on en tirer des enseignements pour les élevages français ?
Les éleveurs irlandais travaillent avec l’idée qu’une tonne de MS d’herbe valorisée au pâturage équivaut à une augmentation de revenu de 161 €/ha. Ce n’est donc pas tant la quantité de lait produite qui va importer que la capacité d’un troupeau à exploiter au maximum le pâturage. Si la valorisation de l’herbe repose sur des principes bien connus, comme la constitution d’un parcellaire groupé et bien aménagé, une gestion stricte du pâturage et un suivi régulier des prairies, il en est un qui n’existe pas en France : le regroupement des naissances pour être en phase avec la saisonnalité de l’herbe.
Toutes les naissances groupées sur une période de 6 semaines
Les animaux doivent naître entre fin janvier et début avril, soit une période de 6 semaines, pour faire coïncider au mieux et le plus longtemps possible la demande alimentaire du troupeau et l’offre en herbe.
Ainsi, après une période de lactation de 250/280 jours, les vaches laitières seront au tarissement au début de la période hivernale, donc à un moment où les exigences du troupeau laitier sont réduites. Les vaches mangent alors les fourrages conservés produits au cours de l’année (ensilage, foin) lorsqu’il faut réguler la pousse des parcelles. Ce système a un double avantage : la salle de traite peut être fermée pendant deux mois et la qualité de l’ensilage n’est absolument pas la priorité de l’éleveur.
Sélectionner le troupeau laitier sur des critères de fertilité plus que sur des critères de production
Pour atteindre cet objectif, l’Irlande a redéfini au début des années 2000 les caractéristiques idéales de la vache pour prendre en compte le besoin de valoriser au mieux cette richesse qu’est la prairie. Un nouvel index a été créé, baptisé EBI pour Economic Breeding Index, où le poids de l’indice fertilité représente 35 % de l’index tandis que le poids de l’indice production ne représente que 11 %. C’est à dire qu’aujourd’hui, d’un point de vue race et qualité du cheptel, il est plus important que la vache soit gestante dès la première insémination pour que son vêlage ait lieu pendant la fenêtre idéale qui permettra de valoriser le mieux la pousse de l’herbe.
Aujourd’hui, 58 % des élevages irlandais atteignent déjà cet objectif.
Des enseignements à tirer pour l’élevage français ?
Luc Delaby connaît bien l’élevage irlandais pour travailler avec eux depuis 15 ans.
« Les irlandais ont l’avantage d’avoir un système dominant : le pâturage. Ils peuvent donc promouvoir avec efficacité un discours homogène. Ce qui ne serait vraiment pas possible en France. Par ailleurs, à cause des contrats passés, nos éleveurs sont obligés de livrer du lait toute l’année, même s’il y a des pics à certains moments. Les vêlages groupés sont donc impossibles à mettre en œuvre.
Par contre on pourrait travailler à un système 2 vêlages groupés par an, le premier en mars/avril et le second en septembre/octobre.
L’objectif serait alors d’avoir une moitié du troupeau tarie en été et l’autre moitié tarie en hiver. Cela offrirait l’avantage technique pendant les périodes les plus difficiles, comme l’été où l’herbe pousse peu, d’avoir à chaque fois une moitié du troupeau qui demande peu.
Malheureusement, la Prim’Holstein n’a pas été sélectionnée sur sa capacité à être gestante quand on le décide et avec ce type de troupeau, les vêlages ont lieu toute l’année.
La crise laitière et la fin des quotas laitiers ont amené les éleveurs à chercher des innovations pour améliorer la rentabilité des élevages. C’est peut-être l’occasion d’envisager sérieusement un système à 2 vêlages groupés par an. »