Les prairies à flore variée
La ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou (Maine-et-Loire) mène depuis 20 ans des essais sur les prairies à flore variée (PFV). Objectif, trouver une alternative à l’association ray-grass anglais / trèfle blanc, mal adaptée aux sols de la région. Un mélange de 5 espèces a ainsi été mis au point et testé en grandes parcelles sur l’exploitation.
Remplacer l’association ray-grass anglais / trèfle blanc
Vers la fin des années 1990, la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou, dans le Maine-et-Loire, fait ce constat : L’association Ray-grass anglais / trèfle blanc (RGA/TB) habituellement utilisée en prairie atteint ses limites. Les sols, peu profonds et marqués par une forte alternance hydrique freinent tout particulièrement le RGA, sensible à la sécheresse. L’exploitation se tourne alors vers une idée neuve, les prairies à flore variée (PFV).
1,5 t de matière sèche en plus par hectare
« Nous voulions améliorer à la fois la productivité et favoriser un redémarrage automnal précoce », indique Bertrand Daveau, responsable des productions végétales. Un mélange fétuque élevé + ray-grass anglais + trèfle blanc + trèfle hybride + lotier corniculé est mis au point. Pendant 12 ans, celui-ci est comparé à différentes associations selon de modalités identiques. Bilan, 1,5t de MS en plus par hectare en moyenne. Une hausse de rendement confirmée en grandes parcelles.
Favoriser des prairies productives
Les PFV de Thorigné-d’Anjou présentent d’indéniables avantages : productivité accrue, résistance à la sécheresse et repousse précoce. Des atouts, qui, pour Bertrand Daveau, compensent largement des valeurs alimentaires un peu inférieures à celle d’un RGA/TB : Environ 5 à 8 points et 10 % de teneur en MAT en moins. Un phénomène lié à la ré-épiaison de certaines variétés de RGA plus précoces et à la présence de fétuque, moins digestible. Le rendement élevé des PFV de Thorigné-d’Anjou favorisent également la dilution de l’azote.
« Au pâturage, ces valeurs alimentaires ne sont jamais limitantes pour des vaches allaitantes en lactation ou des bovins en croissance », assure-t-il. « Aujourd’hui, beaucoup d’éleveurs sont confrontés à des problèmes de quantité plutôt que de qualité. Il faut pouvoir distribuer du stock en été : Autant favoriser des prairies productives. Nos PFV nous permettent aussi de conserver des stocks d’herbe sur pied plus longtemps ».
Espèce |
Dose (kg/ha) |
Critères de choix variétal |
|
Valeurs alimentaires moyennes |
Printemps |
Fin de printemps |
Été |
Automne |
Fétuque élevée |
10 |
Souplesse de feuilles |
|
% DMO |
79 |
71 |
72 |
76,1 |
Ray-grass anglais |
8 |
Précocité intermédiaire Faible remontaison |
|
% MAT |
14,4 |
11,8 |
15,6 |
19,8 |
Trèfle blanc |
3 |
-- |
|
UFL/kg MS |
0,98 |
0,85 |
0,87 |
0,92 |
Trèfle hybride |
3 |
-- |
|
PDIN |
92 |
75 |
104 |
128 |
Lotier corniculé |
3 |
-- |
|
PDIE |
93 |
84 |
91 |
99 |
Mélange semé en automne à 27kg/ha
coût des semences : 220 €/ha
pérennité : 4 à 5 ans
Un mélange d’espèces complémentaires
Les prairies à flore variée répondent également des impératifs de robustesse : La fétuque élevée se distingue notamment par sa résistance à l’alternance hydrique tandis que le trèfle hybride supporte l’excès d’eau en hiver. Le lotier corniculé, fréquemment présent en prairie naturelle, ne craint pas la sécheresses même en conditions de sols difficiles.
Autre avantage du mélange, son aptitude à maintenir une composition botanique stable dans la durée avec 30 à 35 % de légumineuses en moyenne sur 5 ans : « Au-delà, leur diminution est significative et nos tentatives d’amélioration de la flore par des techniques de sur-semis se sont soldées par des échecs, note Bertrand Daveau. A l’échelle d’une année, le taux de légumineuses évolue progressivement à de 20 % en début de saison de pâturage à 35 %, voire 45 % de l’été à l’automne.
Une conduite de pâturage plus exigeante
Conçu pour une dominante d’exploitation au pâturage, le mélange se révèle bien adapté à l’alternance fauche-pâture. Avec une part importante d’espèces « rigides » à l’image de la fétuque élevée, les PFV offrent plus de souplesse qu’un RGA-TB quant aux modalités de récolte : pré-fanage, fenaison, ensilage ou enrubannage.
« Cela reste plus exigeant en termes de conduite du pâturage, précise Bertrand Daveau. Les espèces étant plus précoces pour assurer davantage de production en début de printemps, elles disposent d’un peu moins de souplesse d’exploitation. Il à la fois être plus attentif sur le déprimage pour assurer un décalage de pousse des paddocks et réactif sur le débrayage. Ce qui permet de constituer un stock d’herbe sur pied pour prolonger le pâturage en juillet ».
+150€/ha/an en faveur des PFV
Plusieurs années de pratique ont permis à la ferme de Thorigné-d’Anjou d’extrapoler les conclusions suivantes : Si les PFV enregistrent un surcoût de 10€/ha/an au semis pour 5 ans par rapport à l’association RGA/TB, le différentiel de produit bovin allaitant affiche +150€/ha/an en leur faveur. Un résultat qui s’explique par l’accroissement de la productivité : « Avec 60 ha de prairie temporaire dans notre système, on estime que nos PFV permettent d’entretenir à minima 12 UGB en plus par rapport à une association RGA/TB ».
Quels conseils Bertrand Daveau donne-il aux éleveurs souhaitant implanter des praires à flore variée ? « Toutes les situations pédo-climatiques ne sont pas identiques à celle de Thorigné-d’Anjou. Les PFV impliquent d’abord une réflexion sur l’adaptation de la flore au contexte local. Voici par exemple un mélange pour une dominante pâturage en sol séchant et sain type argilo-calcaire superficiel : 13 kg/ha de fétuque élevée, 7 kg/ha en RGA ; 4 kg/ha Luzerne ; 3 kg/ha de trèfle blanc ».
Pour en savoir plus, un guide des prairies multi-espèces édité par les chambres d’agriculture des Pays de la Loire est disponible en ligne.