Un pH supérieur à 5,5… sinon rien
Existe-t-il une gamme de pH idéale en fonction du type de prairie ? Quel est l’impact du pH sur la productivité ? Quels sont les facteurs qui acidifient le sol ?
Alain Bouthier (à gauche) et Baptiste Soenen (à droite) d’Arvalis-Institut du végétal nous donnent des clés de compréhension*.
Une gamme de pH souhaitable.
Cela n’étonnera personne : il existe bien une gamme de pH recommandé selon le type de sol et le type de prairie. Baptiste Soenen nous indique les bornes entre lesquelles on trouve ce pH idéal :
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Borne inférieure de pH eau* recommandée |
Borne supérieur de pH eau* recommandée |
Sols sableux |
5,5 |
6,5 - 6,8 |
Prairies permanentes |
5 (0-5 cm) ou 5,5 (0-10 cm) |
6,5 - 6,8 |
Autres sols en rotation avec des prairies temporaires |
5,6 - 6 |
6,5 - 6,8 |
A l'implantation d'une luzerne |
6 |
6,5 - 6,8 |
Maintenir le pH de ses sols entre ces deux bornes permet ainsi d’éviter de nombreux problèmes, comme des carences et des pertes de productivité.
* Le pH eau est la mesure de pH du sol la plus communément utilisée en France. Il correspond au pH d’une suspension de terre dans de l’eau pure dans un rapport terre / eau donné (1/5 en volume dans la norme française. Dans le reste de l’article, nous écrirons pH pour PH eau.
Une tonne de matière sèche gagnée en remontant le pH
Alain Bouthier nous présente ensuite les résultats d’une série de 14 essais menés en France entre 1980 et 2003. Ils ont montré des gains de rendement supérieurs à 1 t MS/ha avec le chaulage lorsque le pH initial est compris entre 4,5 et 5,5.
Lorsque le pH des prairies était supérieur à 5,5 le chaulage ne montrait pas de gain de rendement statistiquement significatif.
Toxicité de l’aluminium avec les pH acides
« Les effets négatifs d’un sol acide sont principalement liés à la toxicité aluminique poursuit Alain Bouthier. En cas de pH acide, la concentration en Al3+ augmente dans la solution du sol et le risque de toxicité augmente dès que le pH devient inférieur à 5,5 dans les sols de grandes culture et prairie temporaire et pH < 5 ou 5.5 selon la profondeur de prélèvement dans les sols de prairies longue durée. ». Leur toxicité se manifeste alors par des racines courtes et peu ramifiées entrainant une diminution de leur accès aux horizons inférieurs. La quantité d’eau disponible est donc plus faible puisque les plantes ne peuvent aller puiser profondément, augmentant ainsi les stress hydriques auxquels elles sont soumises.
On observe également plus facilement des symptômes de carences en certains éléments, comme le phosphore et le potassium, étant donné l’accès plus limité aux réserves du sol.
Le chaulage permet de redresser le pH. Et c’est pas tout !!
Le chaulage est effectivement une technique qui permet de diminuer l’acidité du sol et de supprimer la toxicité aluminique. Mais A. Bouthier précise que d’autres effets bénéfiques aux prairies ont été observés, comme l’augmentation temporaire de la minéralisation de la MO du sol :
• Par exemple l’essai de Vezins de Levezou (12) conduit par France Amendements et la RAGT a comparé sur quatre années la réponse d’une prairie chaulée ou non et avec un apport de 40 kg N/ha ou non. Les résultats (figure ci-dessous) ont montré une augmentation significative de la production principalement l’année de l’apport d’amendement en lien avec une augmentation de l’azote absorbé. « Ces résultats ont été confirmés par des observations similaires sur 8 autres essais sur prairie », rajoute Alain Bouthier.
• de nombreuses publications confirment un effet de minéralisation accrue de la MO ; effet qui peut durer jusqu’à 3 ans après le chaulage et qui est d’intensité variable, représentant de 15 à 60 kg N/ha selon l’acidité initiale du sol et la dose d’amendement.
Raisonner le chaulage, la fertilisation et les espèces.
C’est Baptiste Soenen qui nous donne quelques clés en décrivant un essai réalisé à Massat en Ariège entre 1989 et 2013. Différents niveaux de fertilisation NPKS ont été croisés avec différentes modalités d’apports d’amendements. Les premières années, les apports se font sur une prairie permanente avec un pH 0-5 cm < 5. Aucune réponse au chaulage n’est observée car au départ, la flore était adaptée à son milieu, c’est à dire acidophile. Par contre comme la teneur en P du sol était très faible, on a observé une réponse très forte à l’apport de P permettant d'atteindre les 12 tonnes de production de matière sèche.
Puis en 2006, la prairie a été sursemée avec du dactyle, très sensible à la toxicité aluminique. Dès lors les écarts de rendements entre modalités chaulées et non ont été très visibles.
Si le pH est un facteur de décision pour chauler, il faut également bien penser à prendre en compte les espèces qui composent la prairie pour évaluer l’impact que pourrait avoir un chaulage sur elles.
Et les engrais de ferme dans tout ça ?
Quand on parle de la fertilité des sols dans les systèmes fourragers, il est beaucoup question de l’utilisation du gisement d’éléments fertilisants et amendements que représentent les effluents d’élevage.
Certes les effluents d’élevage contiennent du NH4+, dont la nitrification a un effet acidifiant sur le sol, mais ils contiennent aussi des composés qui ont un effet alcalinisant. L’effet global est neutre sur le pH ou alcalinisant. Baptiste Soenen cite en exemple un essai de longue durée (9 ans) suivi par ARVALIS où du fumier et du lisier de bovins appliqués sur RGA cultivé sur un sol limoneux ont permis soit de maintenir le pH soit de l’augmenter .
* Informations issues de leur intervention aux journées AFPF 2015.