« Faire de la pâture ne se décrète pas »

En l’espace de 10 ans, la ferme de Nancy - Pixerécourt dans l’Aisne en Meurthe-et-Moselle est passé d’un système « maïs – herbe – soja » à un système centré sur le pâturage. Pour réussir cette transformation, il a fallu à la fois conduire une transformation profonde de l’exploitation et accepter, pour des éleveurs, de devenir cultivateurs, c’est à dire que ce soit le végétal et le sol qui pilotent. Echange avec Bertrand Cailly, directeur de la ferme, qui est intervenu aux journées de l’AFPF.

4 notions fondamentales pour le pâturage

Une fois l’exploitation adaptée au pâturage, réussir la conduite de son troupeau laitier nécessite la maîtrise de quelques principes techniques simples, explique M. Cailly :

  • les jours d’avance en fonction des besoins du troupeau,
  • les stocks d’herbe sur pied,
  • la hauteur de sortie résiduelle,
  • le temps de repos des prairies.

La notion de jour d’avance est un indice de pilotage essentiel qui permet de caler les temps de repos des prairies, auxquels il est nécessaire d’attacher une grande importance pour maintenir une bonne dynamique de pousse sur l’ensemble des prairies. « Si on tourne trop vite, on n’optimise pas la courbe de croissance de l’herbe. Si on ne tourne pas assez vite, on pâture trop haut et on sous-valorise l’herbe », précise Bertrand Cailly. A la ferme de Pixerécourt, le troupeau, 80 vaches laitières, est sorti dès que la portance le permet et le silo d’herbe est fermé et les concentrés stoppés dès que l’on a atteint environ12 jours d’avance dans les pâtures.
La connaissance des stocks d’herbe sur pied est nécessaire. Elle permet de cloisonner les paddocks puisque les besoins du troupeau sont connus. Pour l’estimer, les responsables de la ferme mesurent, de façon répétée, la quantité de MS/cm/ha qu’une parcelle fournit. Par exemple cette année, la valeur a atteint 270 kg MS/cm/ha, alors que d’autre années elle peut être de seulement 200 kg MS/cm/ha. Les animaux sont alors rentrés dans les parcelles lorsque la hauteur d’herbe, mesurée à l’herbomètre, est de 12 cm puis ils en sont sortis à 5 cm. Par contre si jamais la pousse a du retard dans certains paddocks, les vaches sont complémentées avec des balles enrubannées. Le temps de repos …
Arriver à ce niveau d’organisation a demandé du travail, notamment dans l’adaptation du parcellaire à la pâture, avec une réflexion importante sur les chemins, les accès aux points d’eaux et les clôtures. Deux autres points ont cependant retenu notre attention : l’adaptation des prairies et du troupeau à la pâture.

Adapter les prairies à la pâture

La ferme de Pixerécourt dispose de 90 ha de surface fourragère, dont 68 ha de prairies temporaires.
Celles exclusivement destinées à la pâture (25 ha) sont semées avec des mélanges complexes qui associent 4, 5 ou 6 espèces, mais toujours avec une base de Trèfle Blanc et de Ray-Grass Anglais en mélangeant des variétés diploïdes avec des tétraploïdes, puisque les variétés diploïdes résistent bien au piétinement et que les tétraploïdes sont très appétentes. Comme on est en sols séchants, du brome et de la fétuque élevée ont également été introduits, car ces espèces sont bien adaptées à des sols difficiles à travailler.*
Les autres prairies à destination mixte (fauche et pâture) sont semées avec des associations Ray-Grass Hybride/Trèfle Violet (28 ha), ou bien Luzerne/Fléole (13 ha), la fléole ayant été introduite pour son système racinaire qui empêche la germination des adventices de la luzerne.
« Avec cette grande variété de parcelles, les rations sont toutes différentes les unes des autres, mais pourtant cela ne semble pas du tout déranger les vaches », précise Bertrand Cailly.

Adapter le troupeau à la prairie

Quand on veut passer à un système basé sur le pâturage, il faut bien prendre en compte que le tonnage de Matière Sèche peut varier de 20 % d’une année sur l’autre et que les animaux sont souvent dehors. Pour prendre en compte ces éléments, les responsables de la ferme ont décidé de modifier le troupeau qui était constitué exclusivement de Prim’Holstein. Pour cela, ils ont lancé dès 2009 un programme de croisement rotatif à 5 voies pour permettre aux caractéristiques de souplesse et de rusticité que l’on trouve dans les races qui ont été intégrées au programme* de se retrouver dans le troupeau.
Aujourd’hui, une bonne résilience du troupeau a été obtenue. Et les Notes d’Etat Corporel ont clairement montré que plus le troupeau est métissé, moins les notes varient en fonction des aléas climatiques. « De plus, ajoute Bertrand, cela fait 6 mois maintenant que nous n’avons pas connu de mammites. C’est plaisant ! »
« Pâturer ne se décrète pas, conclut M. Cailly, fort de son expérience. Ce n’est pas compliqué et on peut sortir gagnant avec ce système. Mais pour cela il faut vraiment se donner les moyens de sa politique. »

* : Sont rentrées dans le programme : Prim’Holstein, Normande, Jerseiaise, Rouge Scandinave, Montbéliarde, Simmental, Ayershire, Guernesay, Rouge Flamande. Attention ces 3 dernières races sont en projet.

Vaches pâturants dans une parcelle de la ferme de PixérecourtVaches pâturants dans une parcelle de la ferme de Pixérecourt

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