Qu’implique le réchauffement climatique pour nos cultures ?
Les scientifiques s’accordent à dire que nous sommes dans une période de changement climatique. Hausse des températures, de la teneur en CO2, modification de la pluviométrie, quelles vont en être les conséquences pour les prairies ? Eléments de réponse avec Jean-Louis Durand, chercheur à l’INRAE.
Les changements climatiques que les scientifiques observent depuis une cinquantaine d’années modifient plusieurs paramètres de notre environnement, donc certains ont un impact direct sur les végétaux et leur croissance.
D’abord les températures, dont la tendance à la hausse se confirme d’année en année. Pour les cultures, cette élévation de la température augmente l’Evapotranspiration Potentielle (ETP). Autre paramètre important, le CO2, dont la teneur augmente très régulièrement. Cette hausse peut avoir un impact positif sur les rendements, car plus il y a de CO2, plus efficace est la photosynthèse. « C’est à relativiser, prévient Jean-Louis Durand, chercheur de l’unité de Recherche Pluridisciplinaire Prairies et Plantes Fourragères, à l’INRAE de Lusignan (86). Aujourd’hui, nous avons une teneur moyenne en CO2 de 400 ppm. En 2050, on pourrait être entre 440 et 550 ppm. Au-delà de 600 ppm, les plantes ne valorisent plus le CO2 supplémentaire. Mais même en deçà, pour que les rendements végétaux augmentent encore faut-il que les plantes trouvent suffisamment d’eau et de minéraux pour répondre à cette photosynthèse supplémentaire ».
Autre impact du changement climatique, le régime des pluies subit des modifications. « C’est assez difficile à caractériser, reconnait le scientifique. On commence à voir des baisses sur la pluviométrie annuelle mais il y a surtout des décalages dans la répartition annuelle des pluies, avec une diminution en été et une augmentation en hiver. Or, pour les cultures, c’est l’inverse qu’il faudrait ». S’il y a toujours eu une période en été où le besoin en eau des plantes excède largement les pluies, les réserves du sol peuvent satisfaire les besoins des plantes, pendant, en moyenne, un mois. Quand la sécheresse se prolonge, les cultures en pâtissent. « Prenons l’exemple de la station de Lusignan. Notre région connaît, entre mai et septembre, une période déficitaire de 200 à 300 millimètres, explique Jean-Louis Durand. Ce qu’on prévoit, c’est qu’avec l’élévation des températures et l’augmentation de la transpiration on arrivera assez rapidement à des déficits de l’ordre de 350 mm ». Comme l’ont montré ces dernières années, la production d’herbe risque d’être mise à mal par des déficits hydriques de plus en plus importants.
L’eau risque d’être le facteur limitant
Le changement climatique est une combinaison de ces facteurs, température, pluviométrie et teneur en CO2. Risque ou bénéfice pour les plantes, difficile de le prévoir. Si l’augmentation du CO2 peut être bénéfique à la photosynthèse, le manque de pluie peut pénaliser ce gain.
De plus, le CO2 ferme les stomates, ces petits trous des feuilles qui régulent la transpiration. Dans une atmosphère à CO2 élevé, la transpiration est plus faible, de même que la consommation d’eau. La période de sécheresse qui pourra impacter le rendement pourrait ainsi être reculée.
Toutes les plantes ne réagissent pas de la même façon à la teneur en CO2. Il y a deux catégories de plantes, celles en C4 et celles en C3, selon leur mode d’assimilation du CO2. Les plantes en C4, comme le maïs, la canne à sucre ou le sorgho…, ont une efficacité de fixation du CO2 très forte. Ils ne saturent pas à 600 ppm mais dès 300-350 ppm. Même si le CO2 augmente, ces plantes ne tireront pas un bénéfice pour leur photosynthèse. Par contre, elles aussi ferment leurs stomates, ce qui limitera leur transpiration et leur besoin en eau. Les plantes en C3, comme le blé, la betterave et toutes les plantes des zones tempérées, répondent à la teneur en CO2 jusqu’à cette valeur de 600 ppm et elles profitent de la photosynthèse liée à l’augmentation de la teneur en CO2. Parmi ces plantes, il y a deux catégories, celles qui utilisent une partie de leur photosynthèse pour alimenter le système symbiotique de fixation de l’azote de l’air et ne sont donc jamais limitées en azote, ce sont les légumineuses ; et celles qui ne trouvent leurs ressources que dans les nitrates du sol. Elles peuvent donc être assez rapidement plus limitées. « Dans les essais où nous avons augmenté la teneur en CO2 sur des prairies mixtes, on a vite vu les légumineuses prennent une part plus importante par rapport aux autres plantes, car elles profitent plus du CO2 » témoigne Jean-Louis Durand.