Fais au moins le pâturage qui t’est facile
Faites du pâturage, même partiel, mais faites-en ! Tel est en substance le message que veut faire passer le BTPL (Bureau Technique de Production Laitière) qui publie une étude sur son réseau €colait pour montrer que le mouvement naturel de réduction du pâturage n’est pas la meilleure chose qui arrive à l’élevage et aux éleveurs.
Aujourd’hui, un phénomène d’agrandissement des troupeaux est à l’œuvre. Souvent par fusion d’exploitations ou pour l’arrivée d’un nouvel associé, ou simplement par souci économique . Cette concentration a souvent pour conséquence une non-augmentation de la surface de proximité disponible pour le pâturage, car les animaux sont regroupés sur un site de bâtiments qui existent déjà. Le pâturage devient alors plus compliqué pour ces nouveaux troupeaux, du fait de l’éloignement des bonnes parcelles, et ils sont préférentiellement laissés à la stabulation.
Le réseau €colait qui regroupe des exploitations de taille plus grande que la moyenne et majoritairement situées dans des zones au climat semi-continental, plus défavorables au pâturage pourrait donc bientôt devenir représentatif d’une partie des élevages laitiers français, selon M. Deraedt qui a conduit l’étude.
Une charge de fourrages quasiment identique pour tous types d’élevages
Dans un premier temps, l’étude a classé les exploitations du réseau €colait en 8 groupes : 4 en fonction du nombre de vaches laitières et 4 selon les critères : présence d’un robot de traite, exploitations de plaine et de zone défavorisée, exploitations « bio » et exploitations de montagne.
Sans surprise, les exploitations « bio » et de montagne sont celles qui ont le plus recours au pâturage.
Néanmoins, le coût des fourrages ramené aux mille litres de lait est très semblable dans tous les groupes (sauf en bio). Car les exploitations qui consomment le plus les fourrages coûteux (enrubannage, ensilage, foin) sont aussi celles qui produisent le plus de lait par vache.
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<50 VL |
50-70 VL |
70-110 VL |
> 110 VL |
Robot |
Plaine |
Montagne |
Bio |
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Nbre d'élevages |
94 |
206 |
274 |
116 |
111 |
690 |
54 |
20 |
Production laitière (l/an) |
327 023 |
508 245 |
726 329 |
1 222 094 |
779 932 |
690 167 |
504 019 |
396 238 |
SAU (ha) |
114 |
18 |
191 |
288 |
226 |
181 |
97 |
128 |
SFP lait (ha) |
46 |
63 |
86 |
124 |
89 |
80 |
78 |
96 |
% Prairie/SFP |
68,5 |
64,8 |
63,7 |
61,8 |
63,0 |
64,4 |
79,8 |
92,1 |
% Pâture /ration de base (% de MS) |
11 % |
8 % |
6 % |
5 % |
3 % |
7 % |
18 % |
29 % |
Un revenu disponible jusqu’à 20 % supérieur pour les exploitations qui pratiquent le pâturage.
Dans un second temps, de nouveaux groupes ont été constitués en fonction de la quantité d’herbe pâturée et de l’effectif moyen des vaches laitières pour comparer les performances économiques des exploitations en fonction de l’ampleur du pâturage.
On a alors pu observer que les charges restent plus élevées pour les exploitations qui utilisent moins de 750 kg de MS/vache/an de pâture, l’Excédent Brut d’Exploitation étant calculé avec les frais réels (frais de production de fourrages, mécanisation, fermages). Le revenu disponible pour la famille est alors inférieure pour les élevages qui utilisent moins la pâture.
Suivant le nombre de vaches laitières de l’exploitation, les écarts vont de – 1 000 €/UMO-lait (Unité de Main d’Oeuvre) pour les plus grands troupeaux à – 12 000 €/UMO-lait pour les petits troupeaux.
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< 50 VL |
50 - 70 VL |
70 - 90 VL |
> 90 VL |
Pâture |
> 750 kg |
< 750 kg |
> 750 kg |
< 750 kg |
> 750 kg |
< 750 kg |
> 750 kg |
< 750 kg |
Nb élevages |
18 |
21 |
33 |
63 |
24 |
48 |
29 |
77 |
SAU (ha) |
137 |
113 |
127 |
155 |
191 |
195 |
222 |
265 |
SFP-lait (ha) |
53,6 |
43,9 |
63,0 |
64,6 |
87,0 |
86,0 |
112,3 |
112,1 |
Nb VL |
42 |
40 |
61 |
60 |
80 |
77 |
111 |
121 |
Lait produit |
343,9 kL |
321,2 kL |
493,5 kL |
507,3 kL |
659,6 kL |
655,7 kL |
917 kL |
1 047 kL |
Concentré |
21 % |
21 % |
15 % |
11 % |
10 % |
17 % |
14 % |
9 % |
Ensilage maïs |
46 % |
51 % |
50 % |
62 % |
57 % |
61 % |
53 % |
63 % |
Herbe hors pâture |
32 % |
41 % |
26 % |
32 % |
24 % |
34 % |
26 % |
32 % |
Pâture |
22 % |
6 % |
22 % |
5 % |
19 % |
5 % |
20 % |
4 % |
EBE lait (€/MI) |
121 |
92 |
124 |
102 |
132 |
113 |
123 |
104 |
Revenu disponible €/UMO (2015) |
31 555 |
20 656 |
31 341 |
23 701 |
41 898 |
29 688 |
36 523 |
35 205 |
Revenu disponible €/UMO (2014) |
38 707 |
29 346 |
39 841 |
41 198 |
50 804 |
42 531 |
61 826 |
48 995 |
« Ce résultat assez impressionnant a rassuré des éleveurs qui pratiquent le pâturage, et leur a montré qu’ils sont dans les clous, même si la variabilité au sein des paires étudiées (constituées par le nombre de vaches laitières) était très importante aussi » précise Michel Deraedt.
Globalement et sauf exception, un éleveur a donc intérêt à réaliser du pâturage dans la mesure du possible car c’est le plus intéressant économiquement à faire. « Cela reste un effort de s’organiser pour faire pâturer les vaches, c’est plus de boulot que de les laisser à la stabulation, mais ça revient moins cher car il n’y a pas de frais de récolte. Si cette étude doit faire passer un seul message, c’est : ne reste pas au zéro pâturage. Regarde ce que tu as comme parcelle à proximité. Fais au moins le minimum que tu puisses faire, mais fais-le. Une des pistes serait d’augmenter la surface de proximité, en pratiquant pourquoi pas l’échange de parcelle » conclut Michel Deraedt.