A la Jaillière, engrais de ferme et choix des espèces pour sécuriser la production laitière
Exploitant initialement 2 ateliers, viande et lait, la ferme de la Jaillière – Arvalis Institut du Végétal a décidé en 2012 la spécialisation laitière de son troupeau. Cette transformation s’est accompagnée d’une valorisation forte des engrais de ferme sur les prairies et d’une réflexion sur la productivité des prairies et le choix des espèces fourragères. Romain Legère, responsable de l’exploitation de la Jaillière, nous parle de ce changement.
L’utilisation des engrais de ferme est raisonnée et réfléchie depuis longtemps à La Jaillière. Des analyses de composition étaient régulièrement réalisées dans les années 80 et 90 sur les lisiers et les fumiers des deux ateliers . En 1992, la PAC a obligé les techniciens à diminuer l’utilisation des engrais minéraux. Les connaissances progressant, ils ont alors mieux raisonné l’utilisation des engrais de ferme. En jouant à la fois sur le type (fumier, lisier), la quantité, la méthode et la période d’épandage et la culture réceptrice, les techniciens ont appris à maintenir à la fois la productivité de leurs cultures et la fertilité des sols. La base de ces raisonnements était bien la connaissance de la composition des effluents d’élevage, associée à la connaissance des besoins des cultures.
Ci-dessous, un tableau avec les valeurs des différents gisements minéraux lorsque l’exploitation gérait encore les deux ateliers.
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Lisier |
Fumier VA |
Fumier Taurillon |
Fumier VL |
Azote |
2 ‰ |
6,3 kg/t |
7,7 kg/t |
3 kg/t |
P2O5 |
1,2 ‰ |
3,6 kg/t |
5,6 kg/t |
2,5 kg/t |
K2O |
3,2 ‰ |
7,4 kg/t |
8,9 kg/t |
7 kg/t |
Des surfaces en herbe valorisées pour un troupeau laitier
Après l’abandon du troupeau allaitant et sa spécialisation laitière, la Jaillière a conservé ses prairies de pâturage à base de 70 % de ray-grass anglais et de 30 % de trèfle blanc mélange facile à gérer, car elles étaient suffisamment proches de l’exploitation pour un troupeau de vaches laitières. Comme levier pour sécuriser la production, les techniciens ont choisi l’apport de 60 m3 de lisier (soit 35 à 40 unités d’azote) en sortie d’hiver pour dynamiser la croissance. La composition du lisier est connue : grâce à des analyses faites tous les ans sur chaque période d’épandage.. L’épandage se fait au mois de février pour laisser un peu le temps à l’herbe d’être lavée, les vaches arrivant fin mars dans les parcelles.
Le choix des espèces est également utilisé comme autre levier de sécurisation de la production. Les parcelles sont ensemencées à 22,5 kg/ha par un mélange composé de 10 kg d’un ray-grass anglais diploïde, riche en matière sèche et offrant une bonne résistance au piétinement, 10 kg d’un ray-grass anglais tétraploïde, très appétent et très riche en matière sèche et 2,5 kg de trèfle blanc. D’une facon générale, « les mélanges sont sécurisants car si une variété lève mal ou autre, le relai est assuré », indique Romain Lègère. En plus, pour maintenir le ratio RGA/TB à 70/30, et ainsi éviter que la légumineuse ne prenne le dessus, Romain Legère explique qu’ils peuvent apporter 30 à 40 unités d’N quand les bêtes sortent du pâturage.
Les parcelles où pâturait et restait le troupeau allaitant, inaccessibles au pâturage pour un troupeau laitier, ont été transformées en prairies de fauche multi-espèces. Les techniciens ont cette fois choisi un mélange productif qui associe ray-grass hybride, fétuque élevée, luzerne et trèfle violet. Ce mélange répond à leurs besoins et correspond à leurs contraintes : « on a des terres acides, la luzerne a du mal à pousser donc on associe autre chose pour répartir les risques. On a également voulu un mélange qui pousse toute l’année, on a donc associé des espèces rapides et des espèces lentes : ray-grass hybride et trèfle violet sortent en premier tandis que fétuque élevée et luzerne sortent plus tard ». Ainsi, la Jaillière peut faire 3 coupes, 4 si les conditions le permettent, avec dans l’ordre : 1 - ensilage, 2 - enrubannage, 3 - Foin ou enrubannage selon les conditions et enrubannage en 4ème coupe.
Les premières coupes permettent d’atteindre selon les conditions de l’hiver et du printemps de 3 à 5 T de MS/ha. Ces parcelles sont exclusivement fertilisées avec le lisier, épandu en sortie d’hiver puis après la première exploitation de printemps. « Et c’est plutôt bon puisque la luzerne a besoin de potasse » précise Romain Legère. Si la spécialisation laitière du troupeau a privé les cultures de maïs et de blé de l’exploitation des fumiers « riches » de l’atelier viande et augmenté le volume de lisier, elle n’a pas modifié la philosophie des techniciens. « À la Jaillière, nous poursuivons quatre objectifs avec l’utilisation des engrais de ferme. Il s’agit de fertiliser le maximum de surface avec ce qui est issu de l’élevage, de minimiser l’achat des engrais minéraux, de satisfaire les besoins des plantes, et de maintenir la fertilité des sols » dit Romain Legère.
Désormais, La Jaillière conduits des expérimentations sur la récolte et la conservation de ses prairies de fauche. A suivre …
* Une partie de ces propos a été recueillie aux Journées de l’AFPF.