Comment ne pas rater son sursemis

Le sursemis est un semis direct sous couvert sans destruction du couvert. Sursemer, c’est venir positionner des plantes dans un environnement où il y a déjà des plantes vivantes en place. Une technique qui ne doit rien laisser au hasard. Beaucoup de conseils pour réussir son sursemis existent. En revanche, l’accent est trop rarement mis sur les erreurs, en apparence banales, qui font rater son sursemis. Pour y remédier, Herb’actifs a interrogé l’un des meilleurs spécialistes du sursemis : Cyril Jouvente, gérant de la société Simtech, fabricant de semoirs directs.

Le sursemis n’est pas une technique de secours, et il n’est pas forcément destiné à une prairie en mauvais état. « C’est la première grosse erreur que font les éleveurs quand ils s’intéressent au sursemis. Ils y viennent souvent contraints et forcés, par manque de fourrage, sécheresse ou encore dégâts de rats taupiers. » Pour Cyril Jouvente, le sursemis est encore trop utilisé en correctif pas assez en préventif. Ce qui est d’ailleurs une source d’échec lorsque l’état de la prairie sur laquelle on intervient n’est pas clairement identifiée.

Par exemple, lorsque la prairie est dans un état « désespéré » et que l’on envisage le sursemis « en dernier recours ». « C’est l’échec assuré ! Le miracle ne se produira pas. Et l’éleveur sera déçu de son sursemis », prévient Cyril Jouvente. Plus généralement, il vaut mieux éviter le sursemis lorsque la prairie est dans un état défavorable : envahissement d’adventices, fortes dégradations liées à du piétinement excessif, prédateurs trop présents (chenilles, criquets, campagnols), humidité excessive, ou encore, présence de certaines espèces indésirables comme agrostis stolonifera. En pareilles circonstances, il est préférable de ressemer complètement la prairie ou de la détruire pour implanter une autre culture qui cassera le cycle des adventices.

Parmi les autres erreurs fréquentes, il y a l’utilisation d’un système de semis qui n’est pas adapté à l’état de la prairie, c’est-à-dire un semoir qui ne permet pas à la graine d’atteindre le sol. « Beaucoup d’échecs sont liés à ce mésemploi. Prenons l’exemple d’une prairie, rattrapable, fortement dégradée avec beaucoup de terre nue. Un semoir monté sur une herse, pour faire de la terre fine, avec un rouleau tasseur peut suffire. En revanche, quand la prairie est dense et/ou avec une couche de matière organique en surface, un système de semis léger ne sera plus adapté pour assurer le contact sol/graine. Il faut utiliser un outil à même de trancher ce feutrage pour déposer les graines dans le sol ». En effet, même si la herse gratte ce feutrage*, elle ne crée ni assez de terre fine ni les espaces nécessaires aux graines qui vont être distribuées à la volée et être perdues.

Alors, semoir à dents ou à disques ? « Les dents vont rentrer dans le sol et chasser les débris pour faire place nette puis les graines sont déposées dans le sol pour un contact sol/graine garanti et une germination sécurisée. On leur reproche néanmoins de relever les cailloux de surface. L’efficacité d’un outil à disque pour le sursemis dépend de l’humidité du sol : plus le sol est sec et dur, moins le disque pénètre le sol. À l’inverse, plus le sol est humide, plus le disque a tendance à lisser et à tasser le sol. » Les conditions d’intervention d’un semoir à disques sont plus limitantes mais le fonctionnement est cependant plus fluide en sols caillouteux.

Vient enfin le choix des espèces à sursemer, un choix qui peut être là encore source d’erreurs et de déceptions. Pour un besoin urgent de fourrage, l’habitude reste de travailler avec du ray-grass italien, du ray-grass hybride ou du trèfle violet, trois espèces bien agressives à implantation rapide. « Ce sont des espèces à petites graines, donc à petites réserves. Il faut en prendre grand soin et les implanter très précisément. Ce qui n’est pas évident surtout si l’on fait un semis à la volée, explique Cyril Jouvente. Pour sécuriser une production rapide et précoce de fourrage au printemps, j’opterai plutôt pour de l’avoine ou du seigle associés à de la féverole ou de la vesce : ce sont des graines de grosses tailles, rustiques, peu risquées à l’implantation et peu sensibles à la profondeur avec une capacité germinative assez forte. Et dans un environnement très concurrentiel avec des espèces déjà en place, on prend moins de risques à employer des graines qui ont des réserves, des grosses graines. Il faut dans ce cas utiliser un semoir de semis direct. » En cas d'utilisation de fourragères spécialisés, Cyril Jouvente précise qu'il est plus judicieux de sursemer des petites quantités de semences en plusieurs passages : seulement une partie de la surface est disponible, un semis à pleine dose peut conduire à un important gâchis. De plus, sursemer en plusieurs passages offre plus de sécurité par rapporyt aux aléas climatiques.

Pour ne pas rater son sursemis, le meilleur conseille est donc de bien estimer l’état de sa parcelle pour, le cas échéant, utiliser le bon semoir et le remplir avec des graines adaptées. Simple non ?

* : le feutrage est la couche de MO de surface qui s’accumule dans les prairies : partie racinaire superficielle, mousse qui s’installe entre les plantes, petites plantules qui colonisent les espaces entre elles. Ce feutrage, ce sont les 1-2 premiers centimètres du sol. Sur une prairie temporaire installée sur travail du sol, ce feutrage est quasi inexistant. Mais il est très important dans une prairie naturelle.

Chantier de sursemis sur prairie naturelleSursemis de graminées sur prairie grillée par la sécheresse

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