"Passe au labo d’abord !" Faites analyser l’herbe avant de tailler dans votre budget P-K

Ni trop, ni trop peu ! La fertilisation de fond des prairies est une affaire sérieuse. Trop de potasse et de phosphate dans les sols n'apportent aucun bénéfice. Et les éléments fertilisants sont trop coûteux pour être gâchés. Les analyses d’herbe constituent un moyen efficace de gérer au mieux la production des prairies.

Jean-Michel Auclair, éleveur de bovins viande sur une exploitation de 109 ha au sud de l'Indre, a testé il y a cinq ans les analyses d'herbe. L’essai, mené au titre de membre du Groupement de développement agricole de Sainte-Sévère sur-Indre avec la chambre d'agriculture de l'Indre et Arvalis-Institut du Végétal, a été concluant. « Tout le monde a été surpris ! ». Les résultats mettent en évidence une sur-fertilisation en P (phosphate) et K (potasse) sur toutes les parcelles analysées. La moyenne sur les autres fermes pilotes en 2005 sur la région se situait à 65 % de surfertilisation. « Avant je ne réalisais que des analyses de terre. Elles étaient représentatives pour les céréales mais le lien n’était pas toujours évident entre les résultats et l’état de la prairie. A l’inverse, l'analyse foliaire fait apparaître ce dont dispose vraiment l’herbe en P et K», explique Jean-Michel Auclair. Il a pris l’option de ne pas apporter d’azote minéral. Il est vrai que le trèfle pousse naturellement dans ses parcelles. « Je préfère avoir de l’herbe de qualité, nourrissante. Et j’évite aussi de prendre le risque de voir l’herbe verser », explique t-il. L’analyse d’herbe lui permet une maîtrise économique de ses prairies, complétée par une attention soutenue à la qualité. Et la qualité de l'herbe, Jean-Michel Auclair y croit. Sur ses parcelles, en alternant tous les 5 à 8 ans céréales et pâture, il associe ray-grass anglais, ray-grass hybride, dactyle, fétuque, trèfles blanc et hybride. Ce mélange est testé depuis 2009 auprès de ceux pratiqués par les autres membres du Geda. L’observation des résultats permettra à chacun d’affiner ses pratiques. Jean-Michel Auclair cultive également, sur des petites parcelles de 3 à 6 ha éloignées de l’exploitation, un mélange luzerne - dactyle. Les 3 à 4 coupes sont destinées à l’ensilage et au foin. Les étés souvent secs, sont difficiles à passer sans apports de foin aux animaux.

Deux à trois pâtures analysées chaque année

Les analyses d'herbe se poursuivent depuis 2005, à raison de 2 à 3 pâtures par an, soit en moyenne une sur dix. « L'IP, c'est à dire l'indice de nutrition en phosphates était de 124 et l'IK, pour la potasse, de 126. Or, l’équilibre se situe à 100, et une prairie n'est déficitaire qu'en dessous d'un indice de 80. » Fort de ces constats, Jean-Michel Auclair a sensiblement réduit ses apports. Le fumier composté sur l'exploitation permet de fertiliser 50 hectares au lieu de 25 auparavant, car on n’en épand plus qu'une année sur deux. Les achats d'engrais minéraux ont sérieusement baissé, passant de 16/17 tonnes auparavant à 10 tonnes en 2010. Une baisse des volumes qui a totalement absorbé la hausse considérable des prix. Et qui rend d'autant plus marginal le coût des analyses d'herbe : 22 euros l’unité ! En 2010, les indices évoluent entre 107 et 115 en phosphates et 87 et 95 en potasse, selon les parcelles. « A partir de 2011, conclut-il, je ne vais mettre que de la potasse ». Une aubaine, c'est, à ce jour, l'élément fertilisant qui a le moins augmenté.

Indices IP ou IK Etat de nutrition Recommandations
Supérieurs à 120 Excédentaire Impasse possible (P2O5 : 2 à 3 ans / K2O : 2 ans maximum)
Entre 100 et 120 Très satisfaisant Diminuer
Entre 80 et 100 Satisfaisant Maintenir
Entre 60 et 80 Insuffisant Augmenter
Entre 40 et 60 Très insuffisant Apporter 60 kg/ha/an de P2O5
ou 160 kg/ha/an de K2O

Une mini-tondeuse pour de grosses économies

Quel rapport entre une mini-tondeuse et la fertilisation des prairies ? « La prise d’échantillons d’herbe » répondent Hubert Roebroeck, Directeur général adjoint du laboratoire d'analyses Agro Systèmes, et Pascale Pelletier, responsable de la fertilisation des prairies au sein d'Arvalis – Institut du végétal. Des outils peu communs, un herbomètre et une mini-tondeuse, permettent de démontrer la simplicité de la prise d'échantillons d'herbe... Car si cette analyse constitue un point de départ quasi indispensable à une fertilisation optimale, la prise d’échantillon reste un frein important à son développement. « En mettant en relation les teneurs en P (potasse) ou K (phosphates) et la teneur en azote de l'herbe, on obtient deux indices de nutrition de la prairie, dits IP et IK, explique Pascale Pelletier. Ils permettent de déterminer les besoins de la prairie en fertilisant l'année suivante. » Plus la biomasse est importante (c’est le rôle de l’herbomètre) et moins la teneur dans les éléments P et K sera élevée. Les tables de calcul mises au point par l’Inra sont maintenant bien maîtrisées. Les situations les plus fréquentes sont une surfertilisation en P2O5 et un relatif équilibre en K.

Un vacataire pour les prélèvements

Aucun doute : le facteur limitant est la prise d’échantillons d’herbe. De 2005 à 2008, les prélèvements sur l’Indre plafonnaient à 50/60 par an... Ils ont grimpé à 275 en 2009 et 2010. La chambre d’agriculture a déposé une demande de financement auprès du Conseil Général à l’automne 2008, pour un poste de vacataire sur un mois et demi par an, afin d’effectuer les prélèvements. Dossier accepté par le Département, intéressé par la démarche de diminution des charges sur les exploitations.

L'exploitation Auclair - Reprise en 1992

  • 65 vaches charolaises + veaux ; deux taureaux et une quarantaine de broutards en moyenne sur l'exploitation.
  • 109 ha dont 89 ha en herbe : 51 ha pâturés au printemps, 22 ha en foin, 16 ha ensilés (dont 6 ha de luzerne) ; 20 ha en céréales, dont 7 ha autoconsommés.
  • Chargement : 1,10 UGB/ha ; stocks fourragers : 2 t MS/UGB ; 507 kg/UGB de concentrés consommés ; autonomie en paille de 75 %.

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