Améliorer la longévité de ses prairies pâturées
Parce que l’équilibre entre espèces n’est plus celui qu’on a semé, parce que la production marque le pas, on peut être tenté de retourner une prairie. Pourtant, il y a beaucoup à gagner à prolonger sa durée : autonomie alimentaire et protéique, dilution du coût d’implantation, résilience…
Et si prolonger la longévité de ses prairies pâturées était un des leviers à actionner pour gagner en autonomie protéique ? C’est la piste qu’a exploré le projet Perpet, réunissant INRAE, chambres d’agriculture et réseau Civam de Bretagne et des Pays de la Loire. Avec, en moyenne, 145 g de MAT/kg MS, la protéine est dans le pré. Grâce aux légumineuses, il n’y a pas besoin de complémentation azotée : +10% de légumineuses permettent de gagner 9g MAT/kg MS.
Trop souvent, au bout de 5 ans, les prairies semées sont retournées. « Pourtant, faire vieillir une prairie pâturée, c’est mieux amortir le coût d’implantation, réduire ses achats d’azote minéral, gagner en autonomie protéique et en résilience mais aussi en temps de travail, explique David Falaise, du réseau Civam. Les agriculteurs que nous avons questionnés, ont aussi souligné que dans les parcelles les plus anciennes, la flore adaptée et un réseau racinaire développé apportaient de la résistance, notamment en cas de sécheresse ».
La première étape pour accompagner le vieillissement de leur prairie a été de mieux comprendre l’évolution de la flore. Car c’est l’un des critères qui déclenchent une rénovation de prairies. Le suivi de parcelles, de 3 à 25 ans, a montré une évolution de composition floristique dans le temps. « Progressivement, la biodiversité augmente, avec une évolution vers une prairie semi-naturelle », constate Françoise Vertès, de l’INRAE. D’abord disparaissent les espèces semées peu pérennes (ray grass italien, trèfle violet), la part de graminées augmente pour atteindre 70%, alors que baisse de celle des légumineuses, souvent à moins de 20%. Puis, des espèces spontanées s’installent. « Le relais entre espèces est plus ou moins rapide, prévient la chercheuse. Il y a un risque de creux dans la production, vers 6/10 ans, avant un redémarrage de la production, qui se stabilise à une moyenne de 7 tonnes de MS ». Pour faciliter la persistance des légumineuses, il faut veiller à ne pas avoir de pâturage trop sévère, notamment à l’automne.
Préserver la place des légumineuses
Pour trouver les plus favorables au vieillissement des prairies, différentes pratiques ont été comparées. Elles ont montré qu’une fauche de printemps n’est pas bénéfique à la flore. Il n’y a donc pas besoin de s’obliger à alterner. De même interdire l'accès à une parcelle de mi-avril à mi-août pour permettre l’égrainage naturel, n’a pas d’intérêt pour la régénération car les graminées augmentent encore plus au détriment des légumineuses. Par contre, avec un faible chargement, il n’y a pas d’effet négatif d’un maintien d’un pâturage hivernal.
À l’inverse, un pâturage excessif en période à risque est défavorable à la pérennité des prairies. De même, une aération a des effets plutôt négatifs sur la productivité. Elle n’est nécessaire que quand la structure du sol a été matraquée. Si l’ébousage a un effet nettoyant, en étalant la matière organique et la végétation sénescente, il n’a pas un gros impact sur le rendement.
Quant au sursemis, pour réintroduire des espèces avec un meilleur potentiel que celles qui restent ou celles qui se sont installées, il est techniquement exigeant : il faut partir d’un couvert ras et choisir des espèces à l’implantation agressive. Pour autant, la réussite n’est pas garantie, car il faut maitriser la végétation en place en freinant son développement pour laisser la lumière atteindre les graines sursemées. C’est d’autant plus délicat quand ce sont des légumineuses que l’on veut réintroduire.
Lever le frein administratif
Si techniquement, il est possible de garder ses prairies plus de 5 ans, reste le frein administratif. Au regard de la réglementation, toute prairie temporaire est considérée comme permanente au bout de 5 ans. « Si les éleveurs veulent faire vieillir leurs prairies, ils souhaitent les garder potentiellement retournables » souligne David Falaise. Or, retourner une prairie permanente peut être soumis à autorisation si la dégradation annuelle du ratio régional atteint pas 2,5 % par rapport au ratio de référence, établi au niveau régional en 2012.
Des outils d’animation
De ce travail de suivi et de comparaison autour du vieillissement des parcelles ont été élaborés des outils d’animation : un quizz en 20 questions, une vidéo et un jeu de cartes pour aller du diagnostic aux leviers.
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